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vendredi 1 juillet 2011

The Feeling of Love, Dissolve Me

You're dumb when you're dead

J’ai découvert le trio messin de The Feeling of Love à l’automne dernier en première partie de Ty Segall. Leur set m’avait laissé une impression plutôt agréable, mais pas un souvenir impérissable. D’une : parce que l’attention qu’on porte à une première partie se dissout vite dans la bière. De deux : parce que leur nom est un peu naze et les fait passer pour des putains de hippies nostalgiques de Woodstock. Après quelques jours d’oubli j’ai quand même décidé d’y jeter une oreille au calme. J’ai chopé OK Judge Revival, leur deuxième album (Kill Shaman Records, US), et là mes pupilles se sont très vite dilatées. Onze chansons de garage malsain et répétitif, aussi effrayantes que fascinantes. Sans dec’, on a le droit de faire ça en France ?
Il faut d’ailleurs savoir que le chanteur/guitariste, Guillaume Marietta, et le claviériste, Seb J., faisaient auparavant partis d’un groupe, A.H. Kraken, connu pour son univers tordu et immoral. Ils jouaient un garage new-wave très noise, qui avait tapé dans l’œil du label américain In the Red (Thee oh Sees, The Dirtbombs, Jay Reatard, etc.), rien que ça ! Celui-ci avait alors publié leur excellent Elle Avait Peut-être 19 Ans Mais Pour Moi Elle En Aura Toujours 12.

Guillaume Marietta (guitare), Seb Normal (batterie), Seb J. (clavier), live à la Villette Sonique, 2011.

J’ai appris dans la foulée qu’ils allaient sortir leur troisième LP chez Born Bad Records (Cheveu, Magnetix, Yussuf Jerusalem), Dissolve Me. Rien qu’à la vue de la sublime pochette ce disque ne pouvait pas être mauvais. Et c’est le cas, c’est même un putain de disque, comme on n’en entend pas cinq par an.

The Feeling of Love parvient à synthétiser toutes les sonorités qu’ils avaient jusque là explorées (garage incisif, psyché, kraut-rock)  et poussent le bouchon encore plus loin. L’album s’ouvre sur deux chansons fantastiques, « Cellophane face » avec son clavier baveux et hypnotique qui encercle une guitare tout droit sorti de White Light/ White Heat, tandis que « Dissolve me » prend un malin plaisir à faire une fondue de notre cerveau. 
"I'm listening to sixties garage rock'n'roll, 'cause I'm old and I am blue"
Par ailleurs le groupe ne semble pas avoir perdu son goût du trash et du déviant, notamment dans les paroles (« 666 blank girl », « Empty trash bag»). Mais comme dirait Guillaume : « Je ne pense pas que ce soit de la perversion. J’essaye juste de dire je t’aime de différentes façons ». Quant au son, il est lui clairement plus planant. On sent qu’ils ont appuyé sur le côté répétitif et hypnotique. On ne se s’étonne pas d’apprendre en conséquence qu’ils sont fans des Spacemen 3. Mais on peut aussi légitimement les associer à Suicide pour le clavier, au Velvet ou aux Warlocks pour la guitare, le chant drogué et aux Black Angels pour la batterie primaire. Outre les deux premières chansons, les autres moments forts du disque arrivent avec  « I’m the road » un modèle de garage-psyché qui, avec ses mauvaise ondes, finit par avoir raison de nos cellules de popeux. « Empty trash bag » fait elle carrément péter le gros riff de trombone façon Sonics et nous marque définitivement le cuir au fer rouge. Une petite parenthèse nous est accordée en milieu du disque avec une reprise improbable de Gainsbourg, « Là bas c’est naturel ». Une chanson à l’image de la pochette, luxuriante et inquiétante grâce à une instrumentalisation mystique et  un chant d’amazone directement échappé d’une jungle.
Non, vraiment, ils ont la classe ces mecs là…et ils sont français ! Bordel ça fait tellement du bien d’entendre enfin un groupe de rock français qui va jusqu’au bout de son idée sans se brider. J’espère qu’on leur accordera la reconnaissance qu’ils méritent,  ça serait quand même con de les voir repartir sur le marché US. En tout cas, longue vie à « La Grande triple alliance internationale de l’Est » (un regroupement de musiciens, formé à l’époque de A.H. Kraken, qui s’entre-aide et partage certaines conceptions esthétiques) !
Punching Joe

"Empty Trash Bag"

"Cellophane face"

Interview + live, la suite ici

2 commentaires:

  1. bonne chronique pour un disque sublime, par contre j'adore le nom, un nom de hippie, ça leur va bien et on sent vite l'ironie

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  2. Merci !

    C'est vrai qu'avec le recul leur nom n'est pas si nul que ça

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