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mardi 25 septembre 2012

Henry's Dress, Bust'em Green


Amy Linton I love You

Si la découverte ne date que de quelques mois, ma passion et ma fascination pour les travaux d’Amy Linton en sont déjà à leur paroxysme. D’abord connue par l’intermédiaire de son deuxième groupe the Aislers Set (dont on reparlera), c’est surtout avec Henry’s Dress que le coup de foudre a opéré. Leur seul LP, Bust’em Green, a été une révélation, à tel point qu’envisager de l’inscrire au panthéon des chefs d’œuvre du rock paraît désormais tout à fait raisonnable. Mais plus qu’un coup de cœur personnel, c’est un disque passionnant qui rapproche avec une facilité déconcertante trois courants musicaux particulièrement appréciés en ces lieux, à savoir l’indie-pop, le shoegaze et le garage

Henry's Dress- "All This Time For Nothing"

Henry’s Dress naît du côté d’Albuquerque au début des années 90 mais déménage rapidement vers San Francisco pour s’y établir définitivement. Le groupe se compose d’Amy Linton donc, mais aussi de Hayim Sanchez et Matt Hartman (The How, Sic Alps, Coachwhips). Leur histoire est intimement liée à celle d’un label local aujourd’hui vénéré par beaucoup (et par nous) : Slumberland. C’est en effet vers cette maison, fondée par l’ex-Black Tambourine Michael Schulman, que Linton va se tourner pour proposer les premiers enregistrements de Henry’s Dress. Deux 45 tours sortent d’abord en 1993 et 1994 (dont un split avec Tiger Trap) avant que le trio ne s’essaye au EP, toujours sur Slumberland, avec un self-titled magnifique, parcouru de noise-pop vénéneuse et de shoegaze déglingué (la traumatisante "Sally Wants"). On y retrouve déjà leur envie de composer des chansons concises, qui vont à l’essentiel, portées aussi bien par une urgence punk que par des complaintes lancinantes. 

Un 45 tours en compagnie du très bon Rocketship plus tard, Henry’s Dress accouche en 1996 de son joyau, Bust’em Green. Douze chansons allant d’1 minute 30 à 2 minutes 30, pour un disque absolument parfait. Sa force principale : mêler une guitare aux riffs rudimentaires et des rythmiques tout aussi efficaces, avec un chant aux mélodies pop, que ce soit par la voix douce-amère d’Amy Linton ou celle désabusée de Matt Hartman, qui évoquent chacune des intonations propres à l’indie-pop ou au shoegaze. Le mélange des genres est prégnant sur le triptyque qui ouvre le disque. "The way she goes", "Winter 94" et l’immense "Target Practice", où un garage rêche, presque aussi basique que du Gories et saillant comme du Ty Segall, verse plus dans l’émotion pudique que dans l’éclatage de neurones. Car, si Bust’em Green est un album profondément insouciant et immédiat, il n’en est pas moins parcouru par des teintes mélancoliques et désenchantées. 

Henry's Dress - "Winter '94" 
Le groupe aime également brouiller la frontière entre garage lo-fi et noise-rock nihiliste, comme sur "Get Yourself Together" ou "Not Today", compactes et brûlantes à souhait. En dignes héritiers du shoegaze ils proposent un travail millimétré sur le bruit et les distorsions, ne sombrant jamais dans l’accumulation de nappes saturées mais préférant au contraire distiller quelques saillies bien pensées ("Hey Allison"). 

Au-delà de sa justesse de ton, Bust’em Green est un grand album car il suinte la fougue rock’n’roll à chaque seconde. Certes la musique de Henry’s Dress est référencée, mais elle est avant tout expressive dans sa spontanéité. Bien plus que des techniciens, Linton, Hartman et Sanchez sont avant tout de grands ados qui jouent comme ils respirent...et ce avec un talent et un caractère hors du commun, à tel point qu’il est difficile de les classer.


"Target Practice" jouée en 2010 lors de la fête d'anniversaire des 20 ans de Slumberland


L’aventure se terminera vite, Linton mettant toute son énergie dans les Aislers Set (elle ira aussi taper sur les fûts chez Go Sailor). Une existence éphémère et une discographie fulgurante qui contribue un peu plus à rendre culte les travaux de Henry’s Dress, d’autant que ni le EP, ni Bust’em Green n’ont été réédités à ce jour, et sont donc quasiment introuvables en format physique*. On espère donc qu'un jour Slumberland fera un petit effort pour rendre gloire à une de ses plus belles signatures. 
Punching Joe

*On le trouve facilement sur la toile cependant

Aussi sur le web :
Des articles sur Henry's Dress dans l'incontournable Blog du mouvement shoegaze
Le site de Slumberland
Le bandcamp de The Aislers Set, le deuxième groupe d'Amy Linton

mercredi 12 septembre 2012

The Fresh & Onlys, Long Slow Dance



Si l’on excepte quelques 45 tours publiés à droite à gauche, la dernière sortie marquante des Fresh & Onlys remonte à plus d’un an, avec l’EP Secret Walls. Un disque classe, où le son du groupe continuait de s’éclaircir. L’attente d’un nouvel album a été heureusement facilitée par les productions de Tim Cohen, qui s’est lâché avec Magic Trick ( puis ici), mais aussi par un effort sympathique de Wymond Miles sur Sacred Bones. Et concernant Long Slow Dance, on a même eu droit a un petit teaser sur le blog du crew de San Francisco, où la bande se vantait d’enregistrer sur un 16 pistes, et où on pouvait les voir entourés d’une forêt d’instruments en tous genres. Des indices qui mettaient l’eau à la bouche et qui laissaient présager un disque fou.

"20 days & 20 nights"

Pourtant c’est tout le contraire, Long Slow Dance est de loin l’album le plus posé des Fresh & Onlys. Fini le garage-pop rêche ou le psychédélisme lo-fi, ici les paysages explorés sont assez nouveaux, parcourus par des alizées à la fraicheur eighties qui nous prennent d’abord de court, avant de finalement nous embarquer. En effet, quoi de plus surprenant que d’attaquer sur un "20 days & 20 nights" à la vibe Smith-ienne, où guitare éthérée et piano sont de sortie. Dans la foulée le single "Yes or No" ramène en terrain connu avec sa rythmique marquée transpercée par la guitare stellaire de Wymond Miles. Une parenthèse finalement brève puisque le groupe enfonce le clou sur "Long Slow Dance" et "Presence of Mind", quittant le monde de la  pesanteur pour faire voguer ses sublimes mélodies dans le ciel d’une nuit étoilée. Plus limpide que jamais, l’écriture de Tim Cohen s’aère et touche par sa simplicité. Une musicalité aberrante qui permet d’oser tout un tas d’arrangements, à la fois minutieux et captivants. Xylophone, trompettes (sur la magnifique "Executionner’s song"), synthés volages, ou encore chœurs discrets, Long Slow Dance regorge de petits détails qu’on s’approprie au fil des écoutes.
Le clip de "Presence of Mind"

Car malgré sa production claire, le disque n’est jamais lisse ou froid. Evidemment la voix gorgée de mélancolie de Cohen n’est pas étrangère à la beauté qui transparait dans chaque compo, mais plus que ça, c’est son ambigüité émotionnelle constante qui rend ce Long Slow Dance si fascinant. A l’image de la troublante "Dream Girls" ou encore de l’exutoire "Foolish Person".

La scène garage de San Francisco est décidément pleine de ressources. Quelques mois plus tôt Ty Segall allait piocher dans le heavy 70s, c’est cette fois au tour des Fresh & Onlys de faire définitivement fi des codes étouffants du garage pour sortir un album aux sonorités d’une finesse très eighties, à l’image des couleurs pastel de sa pochette. Long Slow Dance est une pièce d’orfèvre, à la fois évidente et complexe, qui met en avant un groupe toujours aussi ambitieux et habité.
Punching Joe

mercredi 5 septembre 2012

The Bad Lovers, Actin’ Strange


Originaires d’Austin, Texas, The Bad Lovers ont égayé notre été grâce à Actin’ Strange, un premier LP brillant et rafraîchissant. Derrière leurs apparats de routiers peu commodes, veste en jean badgée et barbe à l’appui, se cachent en fait des garçons au cœur tendre, aussi à l’aise pour tisser un rock’n’roll exaltant que pour déclarer leur flamme à des pin-up aux courbes généreuses. 

Actin’ Strange est un album instantané comme on les aime. Puissantes, fougueuses, fun, touchantes, les chansons des Bad Lovers rayonnent par leur simplicité et leur spontanéité. Il faut dire qu’en termes d’écriture, les Texans  n’ont plus grand-chose à apprendre, faisant preuve d’une inspiration, dans chaque riff, dans chaque break, assez bluffante. Ainsi le début du disque saute aux oreilles, enchaînant quatre rock’n’roll songs à un rythme fou. Entre boogie coupé au punk, décontraction power-pop, et garage régressif, la mayonnaise prend instantanément, nous laissant seul face à notre capacité à remuer les hanches et hocher du front en cadence. Ils jouent juste aussi sur la production, celle-ci étant propre et impeccable, pas lisse hein, propre, parce que ces mauvais amants n’ont rien à cacher derrière des saturations.

"Back away from me", live

Après un "Nightlife" intense, nous rappelant fortement les feu Bare Wire, "The Price You Pay" vient titiller la corde sensible et nous faire pleurer des larmes de bière avec son joli refrain. Une chanson aux étonnants accents british ; sensation que confirme "Back Away From Me" qui sonne carrément comme du Libertines. En effet, Actin’ Strange est également très varié, tout en gardant une belle cohérence, et après les fulgurances initiales on ne crache pas sur un slow alcoolisé comme "Playin’ the fool", parfaitement chaloupé et qui permet de respirer un peu. L’album se termine de la meilleure des manières, avec délicatesse, d’abord avec la douce-amer "Pieces", où on retrouve encore une fois un chant flamboyant. Puis avec "You and I", love-song exutoire, ambiance fin de soirée, qui donne envie de s’enlacer pour chanter et postillonner son refrain aussi bête qu’imparable : « You aaaand I will neeeever diiiiiie ». 

Ce premier LP des Bad Lovers, un peu comme le dernier King Tuff, est une parenthèse salutaire dans le paysage garage-rock actuel. Les quatre Texans allient parfaitement riffs saignants et sensibilité, balançant 12 chansons évidentes, qui touchent autant les tripes que le cœur. A faire tourner en boucle.
Punching Joe

En plus :
L'album est paru sur un tout nouveau label texan, Burger City Rock'n'Roll
On peut également le choper sur la boutique de Bachelor Records

L'album en écoute ci-dessous :