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lundi 29 avril 2013

Thee Oh Sees-Floating Coffin

Quiconque a un jour croisé la route de Thee Oh Sees pourra témoigner de l’expérience incroyable que représente un de leurs concerts. Cristallisant toute leur folie au service d’une interprétation maniaque, les Californiens font partie de ces grands groupes capables de rendre une bonne chanson géniale une fois prise dans le tourbillon d’un face à face avec le public.


Ce clivage studio/live rend parfois l’écoute d’un album des Oh Sees frustrante. Les premiers enregistrements, bien qu’excellents, péchaient par manque d’homogénéité, notamment dans la production, tandis que les suivants n’arrivaient que par séquence, à restituer le climax si particulier de leurs prestations scéniques. Warm Slime en est l’exemple parfait. Si l’on met de côté les deux faux albums solo de John Dwyer que sont Putrifier II et Castlemania, la discographie de Thee Oh Sees est finalement assez bancale. Seul Carrion Crawler/The Dream (2011) a su franchir un cap. Le disque, en apparence casse-gueule (un double EP), s’est avéré être leur enregistrement le plus abouti, porteur d’un son kraut-punk unique. Une telle prestation jusqu’au-boutiste ouvrait la voie à Floating Coffin, qu’on imaginait encore plus radical et possédé.

Peu habituée à se la jouer diesel, la machine se lance dans une explosion de nitroglycérine avec "They come from the mountain". Tendue et nerveuse, la chanson reprend les choses là où Carrion Crawler les avait laissées. Cette introduction galopante est dans la foulée écrasée par le char d’assaut "Toe Cutter-Thumb Buster", qui déploie un son heavy-dark complètement inattendu. Sur Putrifier II John Dwyer laissait entrevoir son côté sombre ; ici, pris dans la démence rythmique imprimée par sa bande, cet aspect explose au grand jour, plus puissant et anxiogène. Thee Oh Sees s’enfoncent alors dans les entrailles monstrueuses d’une bête cauchemardesque avec  "Stawberries 1+2" et "Night Crawler", avant de ressortir titubant pour balancer un "Minotaur" cabossé et magnifique.


Malheureusement le reste de Floating Coffin n’est jamais à la hauteur de cette poignée de chansons vénéneuses. "Tunnel Time" tente le coup le tube régressif à base de "lalalala" et de riff carnassier, mais paraît perdue dans cette ambiance enfumée. Les autres titres qui complètent la tracklist ("Floating Coffin", "Maze Francier"…) ne sont que des ébauches kraut-psyché appelant à une orgie entre épileptiques mais, finalement, ne font voir ni chair fraîche ni giclées de bave. Une situation d’autant plus frustrante qu’on retrouve un Petey Dammit au sommet de son art, décidé à faire tout péter à l'aide de sa basse. Le cul entre deux chaises, Floating Coffin s’aventure dans des territoires inexplorés, sans oser s’y perdre. Thee Oh Sees n’en sont plus à un suicide commercial prêt, alors remplir une face avec un trip germano-psyché-intergalactique était tout à fait à leur portée.
Punching Joe

mercredi 24 avril 2013

Dusty Mush, Pain Dimension : Melun Connection

Si vous vous baladez un jour du côté de Melun, vous croiserez peut-être, au détour d’un skate park, des jeunes gens qui vous parleront reverb, Back from the grave et Thee Oh Sees. Il s’agira probablement des membres de Dusty Mush et Pain Dimension, groupes locaux qui, entre deux kickflip, explorent les routes sinueuses d’un garage-rock sale et saturé.


L’année 2013 débute en trombe pour les Dusty Mush qui viennent de sortir deux K7. La première est un split en compagnie des Sud-Africains the Future Primitive, publié par le label américain Cheap Miami. Sur leur face, les Dusty Mush envoient un garage primitif et angoissant, porté par une rage toujours contenue. La tension est déjà palpable sur "Space Cat" et "Boogie Bogger" mais c’est grâce à "Cowboy Express" qu’elle s’exprime pleinement, dans une superbe chanson flinguée qui enrhume le cerveau. Cheap Miami a également réédité la première K7 du groupe (tirée à 15 exemplaires en 2012), agrémentée de deux nouveaux titres. On retient notamment de la face A "Tom Pitt’s Acid Trip", soit quatre minutes de déglingue sous anxiolytiques. La face B, elle, met en avant une très cool reprise de "Yeah" des Alarm Clocks.


De son côté Pain Dimension célèbre sa première sortie physique, une K7 trois-titres faite maison et tirée à 30 exemplaires. L’enregistrement dévoile tout le potentiel du jeune groupe qui s’avère capable de jouer sur plusieurs registres. "I’m a dreamcatcher" plaque un gros riff façon early-Black Keys tandis que "Seven Fingers Hand" éructe un garage maladif et grinçant. Mais c’est avec "Vacuum Head" qu’ils surprennent le plus en livrant une jolie balade cauchemardesque. Tout comme leurs potes Dusty Mush, les Pain Dimension se tiennent prêts à répandre leur fougue de banlieusards enragés à qui veut bien l’entendre.


Punching Joe

-N'hésitez pas à explorer les pages bandcamp des groupes et à vous procurer leurs cassettes : Pain Dimension et Dusty Mush.
-Pour en savoir plus sur eux, une seule solution : écouter Yummy, Radio Campus Paris.

vendredi 12 avril 2013

The Funs-s/t


Duo basé à Chicago, the Funs vient de sortir son premier LP sur le label Manic Static. Dix titres comme autant de parpaings lancés sans sommation à la tronche de l’auditeur.


En véritables maçons soniques négligés, the Funs construisent leurs chansons avec peu de matière et beaucoup de ciment. Dès "Screaming Eagle" la bétonneuse se met en action et plaque un riff rudimentaire sur une batterie primitive. Inébranlable, leur garage-grunge frappe fort à chaque vrombissement de la six corde. Cette dernière fait presque office de deuxième batterie tant ses attaques sont sèches et puissantes. Le son de the Funs est l’antithèse de toute musique planante : des compositions qui partent de sous terre et arrivent tout au mieux au plafond de la cave. Difficile d’extraire des titres de ce s/t : les chansons fonctionnent entre elles pour créer un disque sous forme d’un mur épais et sans faille. Un objet musical presque conceptuel, où la répétition et l’asphyxie sont reines. Les plus claustrophobes trouveront peut-être de l’air dans la voix féminine vaporeuse qui ponctue certaines chansons. Une touche indie toujours agréable, non sans rappeler les géniaux Henry’s Dress.
Punching Joe

L'album s'écoute ci-dessous :

mardi 9 avril 2013

Purling Hiss-Water on Mars

Dans quelques semaines Mikal Cronin sort son second disque, cette fois sur un gros label indie : Merge Records. D’après les premiers extraits partagés sur la toile, on découvre que le californien a enrobé ses chansons d’une production loin de l’exubérance saturée des Moonhearts ou du fait maison de son premier album solo. Ce type de virage esthétique, vers des sons plus lisses, peut créer des déceptions chez ceux pour qui la spontanéité du lo-fi est au moins aussi importante que les morceaux. Pourtant, s’il est bien pensé, c’est un exercice de style salutaire, capable d’asseoir une réputation. En 2011, les Black Lips ont ainsi prouvé qu’ils étaient un grand groupe même avec des saxo sur le dos. C’est aussi le cas de Purling Hiss, qui après avoir pris un malin plaisir à rejeter toute forme de production, vient de sortir son album le plus propre, Water on Mars : une réussite totale.


Il faut dire que le trio de Philadelphie emmené par Mike Pollize (membre des Birds of Maya) est parti de très loin. En 2009 il lâche un premier s/t LP probablement enregistré dans les chiottes d’un charter en pleines turbulences. Deux disques plus loin, le son Purling Hiss est toujours aussi dégueulasse, vomissant un rock psyché et heavy maladif. C’est sur l’EP Lounge Lizards que des airs plus indie-rock commencent à apparaître au détriment des guitares sous speed. Début 2013, Purling Hiss sort donc de sa cave et débarque chez Drag City avec un Water On Mars bourré de belles mélodies nonchalantes, et audibles.

Pourtant Water on Mars débute par une saillie heavy dont Pollize a le secret. "Lolita" dégaine un riff étiqueté space-rock, solos défoncés et chant testostéroné à l’appui. Un décollage la tête dans le guidon qui laisse place au joli single "Mercury Retrogade", au son purement nineties et son instrumentalisation puissante, cachant une pudeur adolescente touchante. C’est avant tout ces sonorités « cheveux gras et pulls informes » que Purling Hiss met en avant ici grâce à une production parfaitement équilibrée, entre section rythmique ronronnante et guitare débridée. "Rat Race" emprunte à la fraîcheur de Dinosaur Jr, tandis que "She Calms Me Down" s’envole grâce à une slide stellaire envoûtante. Pollize prouve aussi qu’il n’est pas qu’un brailleur défoncé et nous cueille avec ses "tutututu" qui ponctuent la superbe "The Harrowing wind", avant de nous bercer sur l’enchanteresse "Mary Bumble Bee". Aucune baisse de régime n’est à signaler et Water on Mars atteint même les sommets avec la sidérante chanson titre, soit 7 minutes de délires space-noise qui se finissent en apesanteur. Un claque sonique qui montre que Purling Hiss a bien fait de délaisser le lo-fi. Si sa folie est aujourd’hui canalisée, elle s’exprime avec d’autant plus de puissance et de précision. Water on Mars est un grand disque légèrement schizo, qui nous laisse enfin admirer le grand compositeur rock qu’est Mike Pollize.
Punching Joe

Pour explorer la discographie sulfureuse de Purling Hiss avant Water On Mars, rendez-vous sur leur page bandcamp (en écoute ci-dessous, une chanson extraite du premier LP)