barre onglet

mercredi 11 janvier 2012

Eddy Current Suppression Ring, Primary Colours


Sunday’s come like a kick in the face, sunday’s come like a kick in the jaw” éructe Brendan Suppression, tout en résistant aux agressions soniques de ses trois copains barges qui s’agitent dans son dos. Sauf que de notre côté, frêles popeux à la peau tendre que nous sommes, le coup de savate on se le ramasse en pleine tronche. KO. Puis on revient à la charge, parce qu’on a aimé ça, faut pas croire. Le cuire endurci, on se joint à eux et on découvre qu’au-delà des coups de pied, les Eddy Current Suppression Ring sont des mecs attachants et cool, capables de pondre des chansons immenses.
Originaires de Melbourne, Australie, les quatre membres d’Eddy Current Suppression Ring se seraient rencontrés au boulot, dans une usine de pressage de vinyle. Le genre d’anecdote plutôt classe apte à créer un mythe. Après quelques 45 tours en 2004 et 2005, le groupe lâche un premier LP (Eddy Current Suppression Ring) sur Dropkick Records. Une petite bombe freak-punk imparable, aussi immédiate que décalée. Oui, car en plus d’être un cran au dessus de la concurrence en matière de songwriting, les gonz ne sont pas du genre à se prendre au sérieux (il suffit d’écouter "Cool Ice-Cream"). Puis en 2008 arrive Primary Colours, chez Aarght !, qui leur assure un certain (et improbable) succès commercial dans leurs contrées. Malheureusement le groupe reste encore aujourd’hui relativement inconnu chez nous (malgré une nouvelle livraison en 2010, Rush to Relax, tout aussi géniale), et c’est bien dommage…


Primary Colors n’est pas un énième disque de punk qu’on oublie en deux jours. Bien au contraire, il est de ceux qui ne prennent pas la poussière sur l'étagère et qui nous provoquent toujours un petit frisson dès les premières notes. Tout d’abord le groupe dégage une alchimie parfaite : une section rythmique basse/batterie qui insuffle un tempo étouffant, survolée par la guitare tranchante et précise d’Eddy Current, qui explose parfois en mille morceaux sur des solos insensés. Le tout est porté au pinacle du rock’n’roll par le chant/phrasé possédé de Brendan Suppression. Avec ses intonations monocordes, appuyées par un accent Aussie à couper au couteau, le gars s’inscrit dans la lignée de Mark E. Smith de the Fall (en sympa) ou de Gary Burger des Monks (en sobre) ; là où l’amateurisme confine au génie. La production est quant à elle parfaite : pas trop lisse pour que ça sente encore la bière et le kangourou grillé et pas trop crade pour ne pas brouiller la limpidité des compos. En découle dix titres indispensables où se croisent du punk de brute ("Sunday’s Coming"), de l’indie-garage flamboyant ("Wrapped Up", "We’ll Be Turned On") ou du post-punk décadent ("I Admit My Faults"). Et puis il y a les chefs d’œuvres : "Memory Lane" avec son riff punk joué en slow motion, "Colour Televsion", obsédante et maniaque, qui nous réduit à l’état de zombie, et enfin "Which Way To Go", tube intergalactique dans un monde idéal, ou 3 minutes 16 d’orgasme rock’n’roll.
En plus, cet émerveillement ne cesse de grandir au fil des écoutes, comme si l’usure de la galette amenait de nouveaux sons, toujours plus addictifs. Le souffle qui porte la musique d’Eddy Current Suppression Ring semble ainsi éternel, faisant de ce disque un petit classique en puissance, comme peuvent l’être Bang Bang Rock’N’Roll d’Art Brut et le premier Soft Pack, dans un registre et une époque à peu près similaires. Rendez-vous dans 30 ans...
Punching Joe




Le clip de "Which way to go"