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jeudi 28 juin 2012

Magic Trick, Ruler of the night



En se cachant derrière le nom de groupe Magic Trick, Tim Cohen, (leader des Fresh & Onlys) voulait donner une autre dimension à ses traditionnelles compositions solo, ces petites pépites bricolées, directement échappée de sa chambre poussiéreuse (Cf le bouleversant Laugh Tracks). Le résultat a été plus que bluffant, puisque avec the Glad Birth of Love, sorti il y a quelques mois, le barbu de Frisco a accouché d’un disque fou, incroyablement ambitieux et perché. C’est donc avec impatience, mais aussi avec un peu de crainte, qu’on attendait son successeur, Ruler of the night,  publié chez Hardly Art.  

Première remarque formelle : fini les longues chansons de plus de 10 minutes qui avaient bâti the Glad Birth of Love, ici Tim Cohen revient à un format plus classique, avec 11 pistes tournant toutes autour de 3-4 minutes. Sur le fond, ça devient plus problématique : après moult écoutes, force est de constater que ce Ruler of the Night n’atteint pas le niveau d’ambition de son prédécesseur. Il demeure toutefois un très bon album porté, comme toujours, par une écriture fabuleuse. 

De gauche à droite : Tim Cohen, Alicia Vanden Heuvel, Noelle Cahill et James Kim

Le disque s’ouvre sur trois titres fascinants, comme une suite évidente à the Glad Birth of Love : la feutrée "Ruler of the night" introduit d’emblée les chœurs succulents  de Noelle Cahill et Alicia Vanden Heuvel, avant que la lugubre "Torture" et ses notes de xylophone en cascade ouvre la porte à des instrumentalisations plus fouillées, que "Invisible at midnight" reprend en ajoutant une intrigante boîte à rythme et des flûtes envoûtantes. C’est indéniable, Tim Cohen a trouvé la formule et il réussit à décliner à merveille cette ambiance clair-obscur et mélancolique qui lui est propre. Jusqu’à s’essouffler ?

Et bien non, car il a décidé de ne pas s’y complaire, developpant au fil des compos une musique de plus en plus lumineuse. En témoigne la très catchy "Sunny" qui porte bien son nom ou "Weird Memory" et sa guitare west-coast. Deux chansons qu’on aurait imaginé sans mal dans la track-list de Play it Strange des Fresh & Onlys. Car en s’éloignant des ambiances foisonnantes, Cohen revient assez naturellement vers ce qu’il a pu faire dans le passé, en solo comme en groupe. Un parti pris qui peut être perçu comme décevant mais qu’on oublie vite, happé par le brio et la limpidité de chaque mélodie, de chaque inspiration. D’ailleurs le titre "Melodies" et son refrain inoubliable s’impose directement comme une des meilleures chansons jamais sorties de son cerveau. "Ruby" et "Say your name" aussi sont plus carrées, voir pop (on croirait presque entendre du Wilco période Summerteeth), mais tellement évidentes et magiques (surtout la seconde qui clôt magnifiquement l’album) qu’on ne peut dénier s’en délecter. 

Ainsi Ruler of the night a le mérite de nous questionner sur l’évolution créative de Tim Cohen. Pour la première fois il semble reculer là où on attendait qu’il creuse le sillon esquisser avec the Glad birth of love. Mais ce dernier allait peut-être trop loin, et renouveler l'exploit en si peu de temps tenait du miracle. Intelligent, il a préféré revenir à des choses plus simples, moins chargées, en renouant avec son écriture éclatante qu’il agrémente ici de petites touches « Magic Trick ». Et finalement, il se crée un bel équilibre qui joue sur les ambiances et les rythmes, pour un disque, encore une fois, de très haut niveau.
Punching Joe

Ecoute : "Melodies" + "Torture"

mercredi 27 juin 2012

Eddy Current Suppression Ring, 7'' Demon's demands / I'm Guilty



Si vous ne l’avez pas encore compris, ou si vous êtes nouveau (coucou dans ce cas là !), Eddy Current Suppression Ring est un de mes groupes actuels préférés. En trois albums indispensables et une bonne dizaine de 45 tours, ils se sont imposés comme les maîtres du punk-rock schizo et flamboyant, toujours prêt à t’arracher la mâchoire au détour d'un riff. Alors quand je suis tombé sur ce 45 tours de chez Iron Lung, je me suis jeté dessus. 

Sortie en 2008, cette galette est un bel exercice de style sur le thème du kraut-punk raide comme l’acier. Il marque d’ailleurs très bien la transition entre le fabuleux LP Primary Colours qui  m'avait traumatisé par sa densité et Rush to relax, tout aussi bon, mais plus débridé et perché. 

Sur la face A, "Demon’s demands", le duo basse / batterie nous prend à la gorge tel un pitt' enragé pour ne lâcher sa proie que six minutes plus tard. Et comme ils ne sont pas du genre à faire le boulot à moitié, la guitare de Mickey Young vient régulièrement transpercer les chaires de ses lames acérées, tandis que ce bon Brendan Huntley s'acharne sur nous avec pour seule arme ses éructations possédées. S’il vous reste encore des forces pour tourner le vinyle, ne vous attendez pas à être ménagé, au contraire. La face B, "I’m guilty", est une exécution simple et efficace, façon Ghost Dog le samouraï. Le groupe nous envoûte avec un de ses breaks dont il a le secret pour mieux venir nous cueillir une fois vulnérable. Imparable.

Un 45 indispensable pour les fans, et sur ordonnance du docteur Rock’n’Roll pour les moins préparés.

Punching Joe

(NB : Les deux chansons sont également présentes sur la compilation So many thing, récemment sortie chez Goner records)

Demon's Demands

mercredi 13 juin 2012

Thee Holy Ghosts EP


C’est la crise, des gens mangent le visage d’autres, les araignées géantes attaquent, et même les zicos de la plage sont désabusés. Sale temps. Terminé l’imaginaire du shorty et de la crinière gominée, la Danelectro soigneusement polishée en mains; fini le booty-shake désuet en monokini à froufrou. Aujourd’hui le rocker de plage se baigne, blasé, dans une flotte verte, vêtu d’un slim noir et poisseux, en chantant son blues couleurs Instagram à travers une haleine souffreteuse de fumeur de nems frelatés. The Growlers, Triptides, Wavves, BlackFeet Braves, Beach Fossils et maintenant thee Holy Ghosts, autant de groupes pour qui la surf-music ne peut se détacher de la mélancolie océanique, du fantasme, ou d’un certain second degré qui semble masquer certaines angoisses.

Les 3 membres de thee Holy Ghosts sont originaires de Gainesville, petite cité américaine située dans les terres de Floride, surtout (seulement) connue pour son club de basket universitaire (les Gators), où Joakim Noah a fait des siennes pendant quelques années. Leur premier EP, tout juste mis à disposition en téléchargement gratuit, a fait frétiller mes conduits auditifs.

Les dix chansons mises en boite témoignent de l’amour du groupe pour le garage sixties, qu’ils mêlent au surf-rock, au doo-wop et au rock’n’roll, le tout dans un joyeux bordel lo-fi. Car la force de cet EP c’est bien son aisance à décliner avec style et précision cette bonne vieille base garage. Les Holy Ghosts font de la musique de branleurs certes, mais de la musique de branleurs qui groove, qui tient debout, et ce malgré la précarité qui se dessine au fil de chansons. Ian, Taylor et Hector savent en effet y faire quand il s’agit de balancer d’excellentes compo catchy et régressives, façon Black Lips, Dick Dale ou Los Saicos ("I can’t take it", "Sand in my beer", "Gimme Your love"). Pour autant  ils ont aussi le don de créer des morceaux titubants, empreints de mélancolie, de gueule de bois ("Saturday", "Ghetto pop song", ou le jolie slow "Standing alone"), et qui font passer le disque de la pastille rock’n’roll éphémère à une œuvre plus touchante. Car à l’image des nombreux chœurs chamaniques qui traversent les compos,  thee Holy Ghosts, jouent un garage-surf parcouru par des ombres inquiétantes, planant nonchalamment au dessus de ces garçons de plage déglingués. On attend la suite avec impatience.
Punching Joe

EP en écoute ci-dessous, et rendez-vous sur la page Bandcamp du groupe pour le téléchargement :