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vendredi 30 septembre 2011

Los Herederos

(réalisé par Eugenio Polgovsky, 2008 et actuellement en salles)

A l’heure où les deux remakes pitoyables de la Guerre des boutons nous montrent des gamins lisses et mielleux à souhait, Los Herederos (Les héritiers) préfère s’immiscer, avec une sobriété toute autre, dans le quotidien d’enfants qui ont reçu un héritage dont ils se seraient bien passés : la misère. Eugenio Polgovsky, jeune documentariste, pose sa caméra aux quatre coins de la campagne mexicaine et filme, durant une journée, la vie de ces jeunes, âgés pour la plupart de 3 à 10 ans. Leur seule activité : travailler pour survivre (découpe de bois en pleine montagne, maçonnerie, récolte de tomates, etc.). Achevé en 2008 le film a vécu de festivals en festivals avant de sortir enfin sur les écrans français le 21 septembre dernier. Très peu distribué (à peine 7 salles sur tout le territoire en première semaine) il n’en reste pas moins un documentaire exemplaire, comme on aimerait en voir plus souvent.
Avec ce film Polgovsky s’impose comme un cinéaste, et a fortiori un journaliste, très talentueux. Il s’en remet à la seule expressivité du réel et ne charge le récit d’aucun commentaire en voix off. Un pari qui semble osé mais qu’il tient d’un bout à l’autre grâce à une science du cinéma vraiment impressionnante. A la manière d’un Raymond Depardon, sans rien dire, il dit tout ; car, par ailleurs, les niveaux de lecture sont multiples (travail des enfants, dérives du capitalisme, société de consommation, etc.) mais ils ne viennent pas polluer l’œuvre en elle-même, avant tout artistique. Pour ne pas tomber dans un misérabilisme dégoulinant, ce qui serait pourtant très facile avec un tel sujet, le réalisateur utilise une mise en scène subtile et un montage minutieux. Les enfants sont filmés, caméra à l’épaule, comme des petits aventuriers qui doivent surmonter divers épreuves (cf. les scènes dans la montagne). Ainsi le film oscille entre une réalité d’une violence parfois insoutenable et ce regard attendrissant qui créé une émotion sincère. Le montage cyclique des scènes de labeur finit par mécaniser les gestes des enfants, à tel point qu’on les perçoit parfois comme des petits adultes, évoluant dans un microcosme bien à eux, un peu comme si on se trouvait dans le monde de Peter Pan ou sur l’île de Sa Majesté des mouches.
En effet on ne voit presque aucun adulte, seulement des silhouettes ou des ombres fuyantes. Selon Polgovsky ce n’est pas un choix de sa part mais bien une réalité. Les parents, notamment les pères, partent souvent gagner de l’argent en ville. Reste donc les enfants…et les vieux. La vieillesse n’a ici rien à voir avec la sagesse, elle est au contraire montrée comme une décrépitude, le fardeau d’une existence écrasée par la pauvreté. Polgovsky n’hésite pas à faire des parallèles entre ces deux générations (des dos courbés, des regards vagues) ce qui renforce le côté tragique de ces vies.
C’est donc un Mexique à mille lieux des trafics de drogue et de l’immigration clandestine que l’on découvre. Le travail des enfants y est depuis longtemps dénoncé par les organisations internationales mais il reste un véritable tabou pour la population.
Los Herederos est définitivement un film à voir. Un exemple de travail journalistique, jamais complaisant, jamais putassier, soutenu par un cinéma inventif et léger. Une légèreté que l’on retrouve parfois chez les gosses, comme un sursaut d’innocence éphémère, au détour de chamailleries, de rires, ou de la magnifique scène de danse qui clôt le film.
Bande annonce

Punching Joe

mardi 27 septembre 2011

Teen Spirit

Malgré ce titre évocateur, il ne sera pas question ici de célébrer l’œuvre de Nirvana à l’occasion du vingtième anniversaire de Nevermind (oui c’est dommage je vous l’accorde) ni même de parler de Gus Van Sant, de Twilight ou encore de WOW. Mais vous voyez bien où je veux en venir, le point commun de tout ça c’est les d’jeuns, les ados quoi. Et c’est justement le thème qu’a choisi Arts Factory à l’occasion de ses quinze ans pour réunir des travaux d’artistes confirmés ou émergents.

Commençons par le commencement pour ceux qui ne sont pas encore au courant. Arts Factory c’est un projet qui débute en 1996 sous forme d’une galerie dans le quartier des Abbesses à Paris. Les deux fondateurs, Effi Mild et Laurent Zorzin se spécialisent rapidement dans le dessin alternatif et deviennent alors un vrai soutien pour un milieu dont certains artistes sont aujourd’hui connus et reconnus (Pierre la police, Jean Lecointre…). Arts Factory se lance aussi dans l’édition en proposant, entre autres, la géniale collection "dans la marge" avec une idée fabuleusement simple : abandonner un élémentaire petit cahier d’écolier aux mains d’un dessinateur talentueux et attendre le résultat. Le premier volume de la collection est signé par notre ô combien vénéré en ces pages, le papa de l’anti-folk Daniel Johnston. Arts Factory, après un déménagement à Montreuil devient aussi "galerie nomade" en faisant voyager les artistes qu’elle affectionne de lieux en lieux et de villes en villes.


Daniel Johnston

Et c’est donc sur ce même principe que mardi dernier la vagabonde a pris ses quartiers à l’Espace Beaurepaire dans le dixième arrondissement de Paris afin de fêter son anniversaire. On pourrait résumer la chose ainsi : une super expo dans un chouette endroit. Pas de boum au programme certes mais un sacré plongeon dans le monde de l’eau précieuse et des premiers émois, le tout avec humour et poésie.

Aussi ceux qui habitent ou séjournent à Paris pourront directement se rendre au 28 rue Beaurepaire (attention jusqu’au 8 Octobre seulement !), à deux pas de la place de la République pour admirer les œuvres de Nine Antico, Charles Burns, Danny Steve, Ludovic Debeurme, Véronique Dorey, Daniel Johnston, Kikifruit, Les Frères Guedin, Fanny Michaëlis, Loulou Picasso, Ragnar Persson, Tom de Pékin, Brecht Vandenbroucke… Les autres peuvent commencer à farfouiller sur le net en attendant que l’expo déménage plus près de chez eux ou qu’Arts Factory organise un truc sympatoche dans leur secteur. Notez qu’une rétrospective Daniel Johnston est prévu au Lieu Unique à Nantes début avril avec en prime un petit concert…bande de veinards ! (cela dit je crois que l’expo est itinérante, à vérifier).

Bref revenons à nos ados en crise. L’expo Teen Spirit place en exergue les grands Black Hole Teens du célèbre Charles Burns (par exemple la pochette de Brick by Brick d’Iggy Pop c’est lui), des portraits façon album photos du lycée, en noir et blanc, représentant de jeunes gens aux physiques franchement inquiétants. Touchés par un mystérieux virus, ceux-ci se retrouvent en proie à des transformations de faciès peu communes et carrément dégueux.


Charles Burns

J’ai particulièrement adoré le travail de Danny Steve qui, comme son pseudonyme ne l’indique pas, est UNE dessinatrice et artiste graphique. Elle présente, entre autres, dans le cadre de Teen Spirit des dessins constitués d’innombrables petits cercles et spirales (faits au stylo si je ne m’abuse) et qui, selon une technique quasi impressionniste, une fois le recul nécessaire pris, forment des paysages, des skateurs en pleine action et autres personnages. Un travail minutieux et lyrique.


Danny Steve

J’ai bien ri devant les planches des Frères Guedin qui, dans un ton nettement plus graveleux, nous dépeignent les bouleversements corporels des jeunes gens et la rébellion de leurs sales esprits de petits vicelards. Je vous laisse le soin de relever le nombre de phallus incrustés dans ces magnifiques dessins en noir et blanc.


Les Frères Guedin
("les garçons ne restent pas de glace quand Lucie la déguste")

L’expo Teen Spirit nous permet aussi d’admirer des planches de la bande dessinée Lucille (prix Goscinny en 2006 et Essentiel du festival d’Angoulême en 2007) de Ludovic Debeurm ; mais aussi certaines de la dessinatrice Nine Antico, avec ses héroïnes aux looks un brin rétro et leurs propos hilarants, tout en potins et considérations existentielles sur les mecs. Nine Antico signe d’ailleurs l’affiche de l’expo.


planche de Girls don't cry, Nine Antico

Au côté des dessins fulgurants de notre Daniel Johnston j’ai aussi apprécié ceux faussement naïfs et enfantins de Brecht Vandenbroucke dont l’apparence gaie et colorée cache une nature génialement glauque. Pareil pour Fanny Michaëlis avec ses dessins crayonnés qui revêtent un aspect doux et sage pour mieux révéler, eux aussi, leurs tournures inquiétantes.


Brecht Vanderbroucke

Fanny Michaëlis

Une fois que vous aurez fait le tour de cet hymne à l’âge bête (que je ne vous décris ici que partiellement), vous replongerez vous-mêmes dans vos souvenirs d’ados attardés grâce à une part de l’exposition mise en place par la revue Collection, sous forme d’une présentation « ethno/graphique ». Au milieu de leurs charmants dessins, les acteurs de la revue (Sammy Stein, Julien Kedryna, Marine le Saout, Vanessa Dziuba et Jean-Philippe Bretin) nous offrent un dédale d’objets et de bricoles qui nous rappellent tous quelque chose. Que se soient les cahiers de fans remplis soigneusement d’images découpées dans les magazines, les bijoux immondes achetés comme souvenirs de vacances, les mots échangés avec meilleures amies et autres copines hystériques, les trousses graffées au stylo bic, les vignettes de la série Beverley Hills et même un drapeau à l’effigie des 3T. Mais si les 3T souvenez-vous, les neveux du feu Mickael Jackson ! D’ailleurs c’est tellement la classe de clore un article en parlant de ces trois BG que je n’ajouterai rien…si ce n’est…allez voir l’expo Teen Spirit !
 Hanemone
(note de bas de page du 05/10/2011 pour dire qu'en fait, une boum est bien prévue au programme !!! Le flyer est à voir par là : http://pantheone.blogspot.com/ )

mardi 20 septembre 2011

NEDS

(réalisé par Peter Mullan, 2011)


C’est avec un certain enthousiasme que j’ai accueilli la sortie du nouveau film de Peter Mullan. Il faut dire que son précédant, the Magdalene Sisters (2001), m’avait laissé un très bon souvenir. Dans cette œuvre il s’attaquait aux dérives oppressantes de la religion en suivant des jeunes filles en quête d’émancipation face au catholicisme arriéré des couvents. Il préfère cette fois traiter de la construction, ou plutôt de la déconstruction, des individus dans une société à la dérive, où le mérite compte bien moins que les liens du sang. Il pose alors sa caméra dans un espace et un temps qu’il connait bien : l’Ecosse pauvre des seventies.
John McGill (Gregg Forest puis Conor McCarron) est un enfant brillant qui se réfugie dans la lecture et les études pour fuir le quotidien morose et l’ambiance familiale pesante générée son père alcoolique (Peter Mullan himself). Or son entrée au collège marque une rupture : malgré ses airs et ses résultats de petit premier de la classe, il se voit rétrogradé dans une section de niveau inférieur à cause des antécédents de son rebelle de grand frère (Joe Szula). Cependant si ce dernier prive, sans le savoir, le petit John de la place qui lui revient, il lui est d’un grand secours lorsque celui-ci est menacé par une petite frappe « qui n’aime pas les intellos dans son genre ». Un bon passage à tabac par le bien connu Benny et l’affaire est réglée ; on n’embêtera plus le cadet de la famille McGill. Las des obstacles à surmonter et attiré par l’apparente facilité d’une vie de crapule, John va délaisser ses brillantes études et s’immiscer avec panache dans le monde des Non Educational Delinquents (NEDS), jusqu’à en devenir une figure de proue, tout comme son frère.
John enfant (Gregg Forest)
Sans forcément révolutionner le film-social à l’anglaise, Peter Mullan propose ici un cinéma plus rugueux qui parle de lui-même, presque à la manière du réalisme américain des années 70. Et en ce sens il s’éloigne, avec bon sens, du cinéma à thèses de Ken Loach, qui finit en fait par lasser. La première partie de NEDS est ainsi marquée par des scènes très réussies, où la violence est filmée avec une objectivité et une froideur perturbante. Mullan n’en rajoute pas et c’est tant mieux. Tout en utilisant avec malice des codes éculés (comme la bande-son glam-rock ou les tronches très marquées « made in scotland ») il  arrive à rendre compte avec brio de la tension qui anime ces gosses, entre fougue adolescente et brutalité d’adultes (Cf la scène du pont). Et c’est au milieu de cet univers étouffant que le réalisateur propose un discours sociologique tout en nuances.
Mullan nous parle évidemment du déterminisme social. Les possibilités pour John de sortir de ce marasme sont déjà bien minces (pauvreté, chômage, instabilité familiale), mais lorsqu’on constate que l’éducation, seul moyen d’ascenseur social à ce niveau, est elle-même pourrie dans sa constitution (profs qui stigmatisent la réussite, organisation discriminante, etc.) on ne peut que partager la rage de John, qui hurle alors « Vous voulez un NED, vous allez avoir un putain de NED ! ». C’est d’ailleurs dans une classe, lors d’une confrontation très intense avec son professeur, que John va basculer du côté de la rébellion totale. Cependant, une des grandes forces du film, c’est d’arriver à relativiser et de remettre en avant la dimension purement humaine et arbitraire des actes de John. Car le déterminisme qui pèse sur le personnage ne devient pas la seule explication et n’excuse pas tout, surtout le pire (Cf la fameuse scène du cimetière). Il n’y a aucune espèce de complaisance pour ce garçon, certes attachant mais aussi parfois détestable.
John le NED (Conor McCarron)
On regrette pourtant une fin plus poussive, où Mullan délaisse l’épuration et la sobriété de sa mise en scène, si efficace jusque là, pour sombrer dans un sentimentalisme bouffi, centré sur le personnage paternel, dont l’accumulation des scènes lourdingues ralentit considérablement le rythme du film. Mullan, dont l’histoire personnelle a de nombreuses similitudes avec celle de John, essaye sûrement de se confronter à ses vieux démons, mais ses redondances ennuient vite. Dommage, avec trente minutes en moins on tenait un film d’une puissance rare.
On notera pour finir la performance magistrale et magnétique de Conor McCarron, dont c’est a priori le premier film, et qui justifie presque à lui seul le déplacement. Un début à la manière des plus grands !

Bande annonce

Punching Joe

vendredi 9 septembre 2011

Camper Van Beethoven, Telephone free landslide victory

Club Med sucks
A l’aube des années 80, à Santa Cruz, une bande d’étudiants un peu perchés monte un groupe au nom qui en dit déjà long sur leur état d’esprit : Camper Van Beethoven…soit le mélange entre ce bon vieux Ludwig Van et un camping-car, en VO. La rigolade ne s’arrête pas là, puisque David Lowery et ses gars décident de jouer avec des instruments qu’ils connaissent peu, histoire d’apporter de la fraîcheur à leur son (par exemple Jonathan Segel troque sa guitare contre un violon). Et question fraîcheur  ils s’y connaissent, il suffit d’écouter quelques secondes de leur premier album Telephone free landslide victory (1985) pour être convaincu de leur originalité.
Alors que les Sonic Youth posent les bases du rock-indépendant dans le chaos et le bruit, Camper Van Beethoven préfère explorer l’aspect fun et détendu de ce genre bâtard, encore balbutiant, qui illuminera les années 80 et 90. Ils n’hésitent pas à mélanger des mélodies folk ou punk connes comme la lune, avec un tas de musiques du monde, allant du calypso au folklore russe en passant par les Balkans ou le ska.  Le tout est lié par un sens de l’amusement communicatif, notamment à travers des délires dadaïstes dans les paroles ("Mao reminices about days in southern China" pour ne citer qu’un exemple). Ces sonorités originales, David Lowery les a sans doute ramenées de ses nombreux voyages effectués à travers le monde, lorsqu’il suivait les mutations de son père militaire. Pourtant Lowery refuse, et encore aujourd’hui, de se laisser enfermer dans les codes esthétiques du rock éclectique qui consisteraient à "sauter et gueuler sur scène, comme ces horribles groupes, genre Gogol Bordello". Ainsi ils n’étudient pas en détails ces musiques, mais tentent plutôt de les ré-imaginer à partir de souvenirs. Une approche personnelle toujours juste, qui peut faire penser à la démarche des Pogues de l’édenté Shane MacGowan.
Telephone free lanslide victory se compose de 17 chansons et alterne plages instrumentales et tubes imparables. On reste ainsi coi devant l’incroyable variété de ce premier disque. "The day that Lassie went to the moon" et sa sensibilité beuglarde se grave instantanément dans notre tête, tout comme "Take the skinheads bowling", LE tube du groupe (popularisé par la reprise de Teenage Fanclub, utilisée dans le film Bowling for Colombine). On retrouve beaucoup d’éléments constitutifs du rock-indé qui feront la renommée de groupes comme Guided by Voices ou Pavement (un chant bancal mais décomplexé, des guitares instinctives et un sens inné du refrain). Un autre point fort du disque c’est bien sûr le violon troubadouresque de Jonathan Segel qui enrichit aussi bien les chansons pop ("Where the Hell is Bill" ou la fabuleuse "I don’t see you") que les instrus ("Payed vacations : Greece"  ou "Vladivostock", deux chansons qui donne furieusement envie de se faire une tartine de houmous et de se jeter une vodka) avec ses geignements enjoués. Bien que construit comme une compilation, l’album brille par sa fluidité et ce malgré des changements de tempo quasi constants. Au final on ne voit presque pas passer ces 17 chansons et on n’hésite pas en appuyer sur la touche replay.
Camper Van Beethoven ouvre une boite de Pandore pour le rock indépendant. Ils continueront  pendant une dizaine d’années (avant de se reformer au XXIème siècle) à explorer diverses musiques comme la country ou le noise-rock, toujours mus par ce même désir de liberté, l’envie de ne répondre à aucune mode et de s’amuser. Ce Telephone free landslide victory est en fait l’album idéal pour tout amoureux de rock fougueux et faussement je m’en foutiste.
Punching Joe

"The day that Lassie went to the moon"

"take the skinheads bowling" live

"I don't see you"

Album en écoute ici

samedi 3 septembre 2011

Gun Club, Death Party EP

Ce n'est pas la taille qui compte...
Vous l’aurez peut-être remarqué,  le nom de ce blog fait une référence directe à une chanson du Gun Club. Il faut dire que le légendaire groupe de Jeffrey Lee Pierce est adulé dans cette maison. Il aura donc fallu trois mois pour que je me décide enfin à écrire quelques balivernes sur eux.
On s’intéresse ici au seul EP que le Gun Club ait jamais sorti, le fabuleux Death Party, enregistré en 1983 chez Animals Records. Je ne m’amuserai pas à refaire ici toute l’histoire du groupe, All-music, Wikipedia & co sont là pour vous au cas où. Il faut simplement préciser que cet EP fait le lien entre le deuxième (Miami) et troisième (Las Vegas story) album, soit une période qui a vu le son du groupe se transformer, délaissant le punk-blues suintant originel pour s’orienter vers un rock plus classique et plus dense, pour faire court. Il est donc normal de retrouver ici une certaine tension entre ces deux styles. Et une fois n’est pas coutume Jeffrey Lee Pierce a modifié le line-up pour enregistrer en compagnie de Jim Duckworth (Panther Burns) à la guitare et Dee Pop (Bush Tetras) aux fûts. Un choix très judicieux quand on constate le chantier fait par les deux gonz.
le line-up de l'époque
Les purs et durs de la première heure diront que sans le freak-blues génial de Fire of Love, le groupe perd un peu de son intérêt, mais ce serait ignorer bêtement la qualité d’écriture magistrale que Pierce propose ici. Si l’ambiance est plus froide, son génie, lui, s’exprime avec la même force. Car quelles que soient les tonalités, il garde cette aptitude rare à générer des chansons possédées et fulgurantes, comme la retranscription de sa rage dépressive. Les six minutes de « Death Party » en sont un exemple flagrant : des rythmiques qui prennent à la gorge sur un prêche démoniaque de Pierce. On suffoque en écoutant cet hymne écorché, qu’on imagine accompagner une danse macabre…sans doute ce que le groupe a su faire de mieux. Le reste est d’un niveau tout aussi affolant, avec notamment « The Lie » ou « The Light of the World », du punkabilly urbain, à la fois lyrique et explosif, qui annonce la fièvre blanche de Las Vegas Story. La parenthèse envoûtante de « The House on Highland Avenue » nous laisse elle aussi démunis. Cette balade sublime aux paroles angoissantes voit d’ailleurs Pierce s’essayer avec succès au piano.
Un leader au sommet de son art, des chansons inspirées et un groupe impeccable, vous l’aurez compris, il n’y a rien à jeter sur ces 20 petites minutes.
Punching Joe
"Death Party"

"The Lie" live
Longtemps introuvable cet EP a fait l’objet de rééditions dans les années 2000, sur CD notamment. Ainsi on peut se procurer la bête chez Sympathy for Record Industry et Cooking vinyle, agrémenté de lives d’époque, histoire de prolonger ce plaisir éphémère.