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dimanche 27 novembre 2011

Slumberland records 3/3 : Spectrals, Bad Penny

Voici enfin la dernière partie de notre dossier sur les sorties récentes du label californien Slumberland Records. Après VeronicaFalls et Big Troubles on s’intéresse ici à Spectrals, le projet musical de Louis Jones qui vient de sortir son premier LP, Bad Penny. Un disque attendu car, malgré son jeune âge (21 ans), le poupon de Leeds à la chevelure carotte a déjà fait son trou dans le milieu, notamment grâce à de nombreux singles et un EP publiés sur des labels réputés (Captured Tracks, Wichita, Sex Is Disgusting).


Avec ce passage au format long, Spectrals allait-il être capable de garder l’efficacité qui faisait son charme jusque là ? La réponse est plutôt mitigée, mais cela n’enlève rien à la qualité globale de Bad Penny qui brille par d’autres aspects, au-delà de son petit manque d’immédiateté.

Le disque commence parfaitement avec "Get a grip" où Louis Jones fait part de toute sa classe pour l’écriture de pop-songs délicates et mélancoliques. Une guitare cristalline et un chant de crooner adolescent (très proche de celui d’Alex Turner des Arctic Monkeys) font de la chanson un petit tube autiste imparable. Dans la foulée "Lockjaw" maintient le niveau avec une sensibilité et une pudeur magnifiques. Quelques notes de guitare slide viennent porter cette voix bâti pour chanter la tristesse. Passé ces deux perles inaugurales Bad Penny perd malheureusement de sa sincérité et de son expressivité à cause d’une production à côté de la plaque, où des instrumentalisations pas très subtiles relèguent l’émotion au second plan ("You don’t have to tell me", "Big Baby"). Mais très vite Jones revient à des cadences sereines et opère astucieusement un virage vers des ambiances plus joyeuses. Il se lâche même, et regagne instantanément notre attention. On pense par exemple à "Many Happy Return", un petit slow basique mais imparable, ou à "Doing Time", une chanson pop délicieusement ringarde avec son piano et ses chœurs enfantins. Il réussit même à allier ces sonorités sixities de la pop-sucrée avec la mélancolie du début de l’album, dans la superbe "Luck Is There To Be Pushed".

Vous l’aurez compris, sur ses 11 titres, Bad Penny ne possède que quelques moments véritablement marquants. Mais au-delà de ce manque de relief, Bad Penny confirme un compositeur talentueux qui avec une production plus léchée et quelques gimmick imparables serait capable de livrer un album pop parfait. En attendant, on peut tout de même se délecter de ce LP plus que correct et très touchant. 
Punching Joe
Retour sur les deux premiers volets du mini-dossier :



Le clip de "Get a grip"

jeudi 17 novembre 2011

Slumberland records 2/3, Big Troubles, Romantic Comedy


Deuxième étape (après Veronica Falls) dans l’exploration des sorties récentes de Slumberland Records avec Big Troubles, un quatuor originaire du New-Jersey. En activité depuis 2009, Big Troubles a d’abord publié sur des compilations avant de réaliser un premier LP, Worry (Olde English Spelling Bee). Cet album se caractérise par un enregistrement très lo-fi et des sonorités proches de la noise-pop, du shoegaze. L’influence de My Bloody Valentine est en effet flagrante. Avec Romantic Comedy ils délaissent ce son un peu brouillon et les ambiances éthérées pour livrer un album d’indie-pop plus classique mais de très bonne facture.


Romantic Comedy va en rebuter plus d’uns, c’est certain. Le son un brin ringard, très connoté années 80, est complètement assumé par le groupe. Mais le talent d’Alex Craig et de Ian Drennan pour composer de très bonnes chansons évite au disque de tomber dans la pâle copie. Leur force c’est justement de s’amuser à titiller la frontière du mauvais goût sans jamais la franchir. Cela passe, entre autres, par une production assez ronflante, avec la mise en avant d’un chant gorgé de spleen (avis aux fans de Girls et de Christopher Owens) et des guitares au son vaporeux, sans parler de l’omniprésence de la caisse claire. Et malgré tout ça, difficile de résister au charme de "She smiles for pictures" ou "Misery". Et que dire du chef d’œuvre de désuétude qu’est "Sad Girl". Avec son petit riff délicat, ses paroles cul-cul et son apothéose au xylophone, la chanson est un plaisir coupable irrésistible. Le genre de truc qu’on voudrait chanter avec son amoureux/se en s’empiffrant de chamallows roses, après avoir regardé une comédie indie avec Zooey Deschanel et/ou Michael Cera (oui j’assume).
Mais pour en revenir aux choses sérieuses, si l’on doit mettre quelques balises, voilà ce qu’on peut dire : les Sarah Records‘s addicts seront charmés par la fraîcheur affichée du groupe ("Softer than science"), les lads ne jurant que par la Brit-pop apprécieront des compo bien carrées ("Time Bomb") et enfin, les fans des Smiths succomberont à un certain romantisme exacerbé et délicieux ("Never mine"). Vous l’aurez compris ces petits yankees auraient bien aimé naître de l’autre côté de l’Atlantique.
Romantic Comedy est donc un bon disque, avec peu de déchets. Chaque chanson, au premier abord un peu boursoufflée, possède ce petit truc en plus indescriptible auquel il est difficile de résister. Pour abuser de l’imagerie sucrée, disons que c’est comme se retrouver devant un plateau de pâtisseries dégoulinantes : on feint d’abord l’écœurement en public, pour rester digne, après quoi, si on en vient à se retrouver seul, on avale tout, et même, on s’en lèche goulûment les doigts.
Enfin, pour conclure plus sobrement disons que seul le titre de cet album de Big Troubles en résume parfaitement le divin contenu. 
Punching Joe
La suite :
->Slumberland part 3



Le clip de "Sad Girl"

dimanche 13 novembre 2011

Slumberland Records 1/3 : Veronica Falls


Remis à la mode il y a quelques années par Deerhunter et consorts, le revival indie-pop des 80’s-90’s n’a jamais semblé autant d’actualité. Malheureusement pour les nostalgiques de Sarah Records et du shoegaze, la balance semble plutôt pencher du côté de la quantité que de la qualité. Beaucoup de groupes semblent n’avoir gardé que les postures de leurs aînés. Sympa en apparence donc, mais pas très inspiré musicalement. Heureusement on peut se réjouir de l’existence de labels comme Slumberland (fondé au Etats-Unis, entre autres par Mike Schulman, guitariste de Black Tambourine) et de leur excellent catalogue en matière d’indie-pop contemporaine (à l’exception peut-être de the Pains of Being Pure at Heart qui rentrent plutôt dans la catégorie des groupes citée ci-dessus).

Pour vous donnez envie de mieux connaître le label on a décidé de lui consacrer une série de trois articles, chacun voué à une sortie récente : les magnifiques Veronica Falls, les sensibles Big Troubles et le bambin de Spectrals. Trois projets qui ont une envie en commun : opérer un retour à un songwriting pop, simple et catchy.


Première étape de ce triptyque avec les plus beaux, Veronica Falls. Après quelques singles fortement réjouissants, les quatre écossais installés à Londres ont enfin sorti leur premier album, s/t, en octobre dernier. Une écoute suffit pour être entièrement conquis par ce joyau de pop instantanée. On est d’abord surpris par l’impression de fraîcheur que dégage le groupe. Une sensation qui est apportée par un mélange parfait entre une écriture ciselée, up-tempo, avec des refrains entêtants, et des ambiances romantiques, voire gothiques, aux relents de crise existentielle d’adolescent. Si la tonalité globale de l’album rappelle des sonorités entendues à la fin des eighties (the Pastels, the Vaselines, Heavenly), les détails prouvent, eux, que les Veronica Falls prennent beaucoup de recul sur la manière dont ils composent et qu’ils n’hésitent pas à aller chercher un peu partout leur inspiration. La batterie frénétique et garage de Patrick Doyle par exemple, qui respecte le précepte Lou Reedien du « Cymbals eat guitars » tel un maniaque des fûts, ou encore la guitare rythmique galopante (très indie-rock US) qui ne peut nous empêcher de head-banger joyeusement ("Come on over"). Sans oublier des harmonies vocales irrésistibles, portées par la teinte immaculée de la voix de Roxane Clifford et les chœurs omniprésents de James Hoare, nous ramenant vers la pop sucrée et spontanée des sixties (la so cute "Stephen" ou encore "Misery"). Vous l’avez compris le songwriting est ici un cran au dessus de la concurrence et ce n’est pas des tubes comme "Found Love in a Graveyard", "Bad Feeling" ou "Beachy Head" qui nous feront dire le contraire.

Veronica Falls est un groupe précieux qui a la capacité d’allier délicatesse mélodique et âpreté rythmique comme personne. Dépourvue du moindre artifice (+1000 pour la production), leur musique n’en dégage pas moins une expressivité puissante, aussi bien efficace pour placer quelques pas de danse que pour se laisser aller à rêver éveillé. On attend la suite avec une grande impatience.
Punching Joe
La suite :

vendredi 4 novembre 2011

Aline et Robert Crumb, Parle-moi d'amour!

un gars / une fille
Icône des comics et de la contre-culture américaine, Robert Crumb gribouille depuis plus de 40 ans des personnages aux formes arrondies et aux mœurs débridées. Fritz the cat, Mr Natural, Mr Snoïd, c’est lui. Ce qui fascine dès les premières planches c’est la liberté de ton avec laquelle il bâtit ses histoires. Des récits bourrés d’autodérision, de fantasmes sexuels, de  nostalgie, mais surtout d’un regard très critique envers son pays, dont les valeurs sont, selon lui, décadentes.
Après avoir laissé le LSD guidé son crayon pendant les sixties, Crumb s’éloigne de la culture hippie qu’il exècre et adopte une plus vie posée, accompagné de sa femme, Aline, qu’il rencontre en 1971. Car si ses travaux renvoient l'image d’un éternel misanthrope grognon, Crumb n'en reste pas moins un parfait monsieur-tout-le-monde à la ville. Au début des années 2000, le couple décide même de s’installer à Sauve, un petit village rustique du Languedoc-Roussillon qu'ils vont marquer de leur empreinte.
Aline et Robert à Sauve
Aline Crumb est elle aussi dessinatrice de comics. Elle a par exemple contribué à la revue Wimmen’s Comix ou encore à Weirdo. Dès le début de leur relation, le couple tient un journal intime sous forme de bande dessinée où ils mettent en scène leur quotidien ; chacun dessinant, dans une même case, son propre personnage. Ces planches sont d’abord éditées dans un comic au nom évocateur, Dirty Laundry (linge sale), puis relayées dans divers journaux et revues. Cet automne les éditions Denoël publient un beau livre, de près de 300 pages, qui compile certaines de ces fameuses planches. Dans Parle-moi d’amour ! on retrouve un couple qui n’hésite donc pas à laver son linge sale en public. Les dialogues foisonnants racontent aussi bien les névroses de ces amoureux improbables (Crumb le réservé VS Aline l’ex new-yorkaise extravertie) que des problèmes de réfrigérateur ou de déco. Les dessins, crées à quatre mains, peuvent déstabiliser au premier abord. Mais ils créent vite un ton atypique, avec le trait expressif et précis de Robert contrebalancé par celui plus fougueux de sa femme. Au final, ce qui lie cet ensemble chaotique c’est l'humour cinglant et déviant, qui laisse transparaître à la fois la douce folie des protagonistes et leur histoire d'amour passionnée.
Evénements :
Parallèlement à cette sortie, la Galerie Martel (Paris, 10eme) propose une brève exposition de planches originelles que l’on retrouve dans Parle-moi d’amour !. Ca commence dès aujourd’hui, vendredi 4, jusqu’au 12 novembre. Un amuse-gueule en attendant la grande exposition Crumb au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris du 13 avril au 19 août 2012.

jeudi 3 novembre 2011

Sudden Death of Stars, Getting up, Going down

Psychédélisme à la française

Y’a pas à dire, le rock psychédélique français se porte plutôt bien en cette rentrée. Après le dernier maxi des lillois de Moloko Velocet (chez Dead Bees records) voilà que les rennais Sudden Death of Stars débarquent avec un premier LP intitulé Getting up, going down. En 9 chansons ils confirment les espoirs qu’on avait placés en eux il y a un an, à la sorti de leur excellent EP.

Avec un nom d’album pareil et une pochette représentant une sorte d’énorme réacteur irréel on s’attend à un contenu hautement planant. Le premier titre, "Supernovae", confirme ces spéculations. Pour tout amateur de psyché ce morceau est un exquis moment de démagogie musicale à laquelle on ne peut qu’adhérer : sitar, tambourin, rythmique lourde et chant éthéré ; nous voilà déjà les yeux pleins d’étoiles et les oreilles frétillantes. « The perfect prescription » rajouterait même Sonic Boom. Le reste de l’album s’avère être une relecture réjouissante du psychédélisme, grâce à un savant mélange des sonorités qui ont parcouru ce genre depuis 40 ans. La production est parfaite, avec un son clair qui permet aux instruments d’entrer dans une véritable communion (tellement à l’aise que, l’air de rien, ils se permettent d’envoyer des cordes sur "I’ll be there", les coquins). Les compositions, elles, sont marquées par un grand sens mélodique et un savoir-faire hérité de leurs illustres aînés. Ainsi on passe de moments de pur garage-pop sixties redoutable ("Two", "Chilling out at set time") à des phases de rock comateux, en connexion direct avec les astres ("Song for Laïka", "I’m not among believers"). Et puis certains passages nous rappellent fortement, et avec joie, les groupes eighties auxquels on est très attaché. Par exemple, "Free&Easy", petit tube imparable, est proche du romantisme drogué de the Rain Parade (et de la scène Paisley Underground), tandis que "Deeds Beyond the Hints" et son clavier scintillant explore des galaxies jadis découvertes par les Spacemen 3. Quelle classe.
Difficile de s’ennuyer avec Getting up, going down, album qui brille tant par sa diversité que par sa maîtrise. Sudden death of Stars produit des chansons inspirées, appuyées par des sonorités très connotées mais qui ne tombent jamais dans le cliché (on salue, en effet, l’utilisation parcimonieuse du sitar). Un vrai grand album de rock psychédélique comme on les aime, et qui risque de dilater plus d’une paire de pupilles.
Punching Joe


Getting up, going down est actuellement en téléchargement gratuit sur le bandcamp du groupe, ça serait dommage de s’en passer (tout comme leur premier EP). Et une fois convaincu(e) vous pourrez commander le vinyle sur le site de Close Up ou trainer votre cul chez un bon disquaire indé. (Edit 01/07/13 : le disque est maintenant disponible chez les anglais de Ample Play ainsi qu'en cassette chez Burger Records !)

Et pour mieux les connaître, une interview cool datée de l'année dernière.