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lundi 25 mars 2013

Campfires-Tomorrow Tomorrow

Avec Tomorrow Tomorrow Campfires s’aventure au cœur d’une forêt mystérieuse, guidé par la lueur fragile de chansons chatoyantes.

Campfires n’en est pas à son coup d’essai. Tomorrow tomorrow est le cinquième album en quatre ans du groupe, derrière lequel se cache en fait un seul homme : Jeff Walls. Sur ses premiers enregistrements (sortis pour la plupart en K7) le compositeur américain développe une musique intimiste, entre rock foutraque à la Pavement et pop-folk éraflée. Aujourd’hui délocalisé de Chicago à Portland, Jeff Walls semble s’être imprégné de l’ambiance bucolique qui entoure la région du nord-ouest des Etats-Unis. Plus folk mais toujours aussi lo-fi, ses chansons partent en quête du moment de grâce, aussi fugace soit-il.



Tomorrow tomorrow pourrait être présenté comme le double négligé de l’album Bend Beyond de Woods, sorti il y a quelques mois. Car, là où Woods réussit à forger minutieusement des objets pop parfaits, Campfires préfère livrer nonchalamment ses fulgurances. Et celles-ci sont nombreuses sur cet album pourtant concis, où les chansons ne dépassent jamais les trois minutes.

L’introductive "If the darkness were to bend" donne parfaitement le ton. Comme extirpée d’un ensemble qui nous dépasse, elle se retire aussi vite qu’elle est arrivée, laissant pour seule trace une mélodie perchée et un chant adolescent. Un titre en forme d’invitation à rejoindre Jeff Walls dans sa canopée enchantée où il semble avoir trouvé la recette parfaite, sorte de mélange entre la spontanéité géniale d’un White Fence ou d’un Bonnie Prince Billy et l’élégance des Beachwood Sparks. "Fortune teller", "Simple things" saisissent ainsi d’emblée par leur beauté précaire. Parfaitement entrecoupé par des instrumentales malicieuses, Tomorrow tomorrow retombe toujours sur ses pieds. L’esthétique lo-fi est utilisée avec justesse, permettant de mettre en avant les compositions plutôt que de les dissimuler. Et avec des titres comme "Time for a ride", "Bayonet" ou "Glass Arrows", le disque s’impose déjà comme un incontournable de l’année 2013. Une œuvre habitée et insaisissable qui ravive également l’esprit du collectif Elephant 6. Ce dernier fait d’ailleurs une apparition sur la dernière piste, un hommage à Bill Doss, disparu l’année passée.
Punching Joe

Le disque, sorti en vinyle chez Fire Talk, est en écoute intégrale ci-dessous. Les enregistrements précédents sont pour la plupart répertoriés sur la page bandcamp de Campfires.
 

samedi 16 mars 2013

45 tours : The Young Sinclairs / Travel Check

Quelques semaines après avoir parlé du single des rustres Bikini Gorge chez Kizmiaz, on continue à  se pencher sur des nouveaux 45 tours que l’on doit à des labels français.

Il y a presque un an on consacrait un article aux premières sorties du label Croque Macadam. Depuis, le microsillon continue de fleurir du côté de Montrouge, avec toujours cette envie de défrichage mêlée à une indépendance fièrement brandie. En résulte des disques confectionnés avec amour ; on citera notamment le dernier single des Triptides, la galette des Superets ou encore le diptyque des Spadassins. Mais la sortie qui retient aujourd’hui notre attention est un autre double 45 tours, celui des américains Young Sinclairs.


Pour l’occasion Alexandre de Croque Macadam s’est associé à son frère Etienne, qui a repris le nom de leur blog commun : Requiem pour un twister. C’est donc sous le double macaron Croque Macadam / Requiem pour un twister que les deux singles des Young Sinclairs sont désormais disponibles à des tirages limités. Le groupe, originaire de Virginie, demeure méconnu (voire inconnu) en France alors qu’il est actif depuis 2005. A sa tête un certain Sam Lunsford, brillant compositeur à l’aise dans de nombreux domaines, comme le spécifie cette interview. Avec les Young Sinclairs il s’amuse à ressusciter notamment le folk-rock des Byrds, guitare jangly à l’appui, tout en garnissant sa palette de touches garage et pop. Porté par des guitares délicatement rêches, l’EP Hurt my pride télescope ainsi Nuggets et BJM* pour un résultat imparable. Sur le second 45, New Day, c’est une indie-pop en apesanteur qui vient nous cueillir en faisant planer l’esprit des Field Mice. Espérons que cette double sortie irréprochable incitera plus de monde à se pencher sur ce groupe talentueux.
*Les Young Sinclairs ont d'ailleurs déjà ouvert pour le groupe d'Anton Newcombe et font partie du Committee to keep music evil.


L’autre disque que l'on retient vient de chez Howlin Banana. Organisateur émérite de concerts à Paris, Howlin Banana sort aussi de temps à autre des 45 tours. Sa dernière pioche, les Parisiens Travel Check, qui débarquent avec un trois titres au nom alléchant : Wild Tropics. Grands admirateurs des Black Lips, le groupe en a gardé une écriture aussi évidente que joliment bancale au service d’un garage cotonneux et rêveur. "Pokayoké" et "Trippin Waves" impriment des gimmicks surf qui peuvent vite devenir obsessionnels.




Punching Joe

vendredi 8 mars 2013

Interview : The Dead Mantra

Il y a un mois tout pile nous étions à la Maroquinerie pour la Gonzaï Party et nous avons vu le set des Dead Mantra. Les quatre garçons originaires du Mans ont signé chez Cranes Records, prometteur label de la même ville, pour y sortir en 2012 un premier EP Path of Confusion et un split avec le groupe Dead Horse OneLeur musique aux accents nineties, forteresse de guitares renfermant des mélodies mystiques, a su nous conquérir. Nous avons donc voulu en savoir plus. Paul, chanteur/guitariste, a répondu à nos questions.


The Dead Mantra

     Présente moi un peu le groupe, comment tout ça est arrivé, qui fait quoi…
On est trois à s'être rencontrés au Mans à l'époque du collège, avant de devenir amis au lycée. On a monté le groupe ensemble, Pierre, Henri, moi et Edouard, qui a quitté le groupe en 2011. A ce moment là ça paraissait être une meilleure idée que de ne rien faire, comme une réponse évidente à la lassitude que génère une ville comme la notre. On s'est tous très rapidement impliqués dans le groupe, et depuis l'arrivée de Louis en 2011 les choses se passent de manière très naturelle et instinctive entre nous.

     Tu peux expliquer ce nom "Dead Mantra" ? J’ai remarqué que l’un d’entre vous arborait un t-shirt des Dead Skeletons durant votre concert à la Maroquinerie, n’y aurait-il pas là un lien direct ?
Notre premier nom craignait vachement. Quand on est rentré en studio pour la première fois, on a beaucoup écouté cette chanson. On a trouvé que ce serait un bon nom, sans réfléchir plus que ça. Cela dit, le lien avec les Dead Skeletons a entraîné beaucoup de gens à faire des raccourcis un peu trop rapides entre nous et le mouvement néo-psychédélique, alors qu'on se reconnaît concrètement assez peu là dedans. "Dead Mantra" c'était plus parce qu'on aimait le texte du morceau et son message.

     Qu’est-ce que racontent vos paroles ?
Je n’aime pas trop m'étendre là dessus. Mais globalement d'émotions, de pureté, de guerres intérieures, de notre ville. Promis on mettra les paroles avec le prochain disque.

   Comment êtes-vous entrés en contact avec Cranes Records ? Comment s’est passée la collaboration avec le label, leur implication etc. ?
A la base ce sont des amis, ils nous suivent depuis longtemps. Ils étaient là quand on faisait des concerts pourris dans des bars sportifs, ils nous faisaient des bootlegs et tout. Personne n’entendra jamais ça ! Ils voulaient vraiment sortir nos disques parce qu'ils sont un peu addict au support vinyle. Ils sont aussi très impliqués dans l'aspect visuel du disque, c'est sérieux pour eux. On aime ce qu'ils font, ils sont toujours hyper à l'écoute de nos envies. C'est vraiment bien de les avoir à nos côtés.

EP Path of Confusion
    Je ne connais pas du tout le Mans, niveau musique comment ça se passe ? Il y a des salles, des bars dans lesquels vous aimez jouer ? Et il y a d’autres groupes du Mans avec qui vous êtes liés ?
Il n'y a pas beaucoup de groupes au Mans. C'est pour ça qu'on ne peut pas réellement parler de scène là-bas. Il y a peu d'endroits où jouer, et ce n'est pas une ville très rock. Les jeunes ne se bougent pas tellement pour aller voir des groupes jouer. Mais il y a quand même des gens qui montent des évènements de qualité comme Teriaki, Oulala, l'Excelsior, Merci Connasse, Alpa On The Rocks. On a à la fois un fort rapport d'attachement et de rejet avec cette ville. C'est un endroit important pour nous.

    Et plus largement y a-t-il des groupes français dont vous vous sentez proches sous divers aspects ?
Musicalement assez peu, mais il y a des groupes qu'on aime beaucoup un peu partout en France. La plupart sont sur la compilation sortie récemment par Cranes Records qui est gratos d'ailleurs, il faut le préciser ! On est aussi très proches de Seventeen At This Time qui sont signés sur Cranes Records. Sinon en France, on aime bien Birds In Row, Blind Digital Citizen, Kaaris et Renart.

    J’ai l’impression que le terme shoegaze est assez associé à votre nom mais il me semble aussi, surtout après avoir vu votre live, que vous avez intégré pas mal d’autres sons, nineties notamment, comme le grunge... Comment tu définirais votre musique ?
On n’écoute plus beaucoup de shoegaze. Ça reste un élément très important dans le son, mais on ne veut pas s'y limiter. Le côté grunge, c'est peut être parce qu'on assume notre amour pour Nirvana et Sonic Youth. Aussi parce qu'il y a une volonté de pouvoir basculer entre la saleté, la crasse et la pureté. C'est dur pour nous de nous définir parce qu'il n'y a jamais eu de volonté de sonner comme le reste de ce qu'on entend.



 
    Et est-ce que vous avez des influences cachées ? Je veux dire des trucs que vous adorez mais qui s’entendent moins dans les morceaux des Dead Mantra voire même pas du tout…
De plus en plus, on essaye de ne rien cacher. Pierre, notre batteur adore le disco et l'acid-house, et ça s'entend beaucoup dans nos nouveaux morceaux. Louis a amené des mélodies de guitares très asymétriques, des choses très liées au math-rock ou au post-rock. On suit attentivement tout ce qui se passe dans les musiques électroniques, et en ce moment je crois qu'on porte beaucoup plus d'intérêt à la techno et au rap américain qu'au shoegaze ou aux trucs auxquels les gens nous associent naturellement.

    Je comptais vous qualifier de "mystiques" dans ma présentation, pas seulement parce que je vous ai vus entrer sur scène avec ce qui m’a semblé être des chants religieux, mais aussi parce que je trouve que votre musique l’est…ça vous irait comme qualificatif ?
Ce que tu as entendu à la Maroquinerie, ce sont les moines de l'Abbaye de Solesmes chantant la Messe des Défunts et demandant à leur Dieu de les délivrer de la mort éternelle. Solesmes est un des très hauts lieux du chant grégorien en France. Le qualificatif de mystique nous plait, étrangement. La foi est quelque chose d'important pour moi en tout cas, sur tous les plans. A la rigueur la foi se suffit à elle même, il n'est pas réellement question de la lier à quelque chose de précis. L'aspect mystique tient au fait que jouer sur scène, ou créer de la musique de manière générale, c'est pour nous un moyen de s'élever vers quelque chose d'autre. Cela dit, on peut paraître très sérieux sur scène, distants parfois, mais notre attitude hors scène est bien moins monacale.

    Vous écoutez quoi en ce moment ?
Pierre écoute de l'acid-house, il songe à acheter des baggys. Henri écoute de la variété italienne et joue du piano pour enfant avec son chat mongolien. Louis écoute des trucs mystérieux parce que c'est un mec vachement mystérieux, mais de temps en temps il pleure en pensant au split de Mars Volta. Pour ma part j'écoute beaucoup de trucs de gangsters avec de l'auto-tune, de la techno et pas mal Coil aussi histoire de faire un peu semblant d'être un esthète.

    Il y a des concerts auxquels vous vous êtes rendus récemment qui vous ont marqués ? Et pourquoi ?
Nick Cave et les Bad Seeds au Trianon. Parce que c'est Nick Cave. C'est tout.

    Vous avez des projets à venir ou des évènements à signaler ?
On est actuellement en studio pour une durée indéterminée. On a également prévu une retraite spirituelle à l'abbaye de Solesmes et on devrait bientôt monter une équipe de foot en salle. Et puis on sera en concert à l'Inventaire au Mans le 22 mars, mais on risque d'être peu sur scène ces prochains mois.




Hanemone

mardi 5 mars 2013

Messages by Bodo

Le 1er mars nous nous sommes rendus au vernissage de l’expo Messages by Bodo qui se tient jusqu’au 18* à l’espace Jour et Nuit : ambiance ultra détendue et chaleureuse, bières roumaines de caractère à disposition, autant dire des conditions parfaites pour apprécier les œuvres obsessionnelles de l’artiste Bodo.




George Bodocan, alias Bodo, est un plasticien roumain qui, depuis 2010, est en résidence à l’espace Jour et Nuit à Paris. L’exposition Messages by Bodo est en fait une rétrospective de ce séjour de trois ans. Elle présente un amas d’objets en tous genres investis avec fougue par le trait caractéristique de l’artiste. Bodo use en effet du marqueur pour donner forme à des silhouettes impersonnelles, sortes de fantômes tous semblables mais jamais identiques. Et c’est sur des morceaux épars de mobilier ou encore de simples planches que se déversent ces figures spontanées. Il ne s’agit donc pas ici du ready-made de Duchamp qui déclare "ceci est une œuvre d’art" en pointant du doigt l’objet du quotidien. Au contraire, Bodo fait réellement art de tout objet lambda en se l’appropriant. 




Les silhouettes créées par l’artiste, appuyées par le marqueur noir, ne sont pas sans rappeler celles de Keith Haring. Or si l’américain s’attachait à montrer des formes humaines, les êtres tracés par Bodo revêtent aussi une dimension évanescente, comme des âmes qui cherchent à s’entremêler, ils paraissent libres de toute matière clairement définie. C’est d’ailleurs pourquoi le matériau sur lequel vient se poser le dessin se permet n’importe quelle apparence. Il s’agit de saisir la fuite perpétuelle, comme si elle devait laisser trace sur le premier support venu, pour nous signifier quelque chose. Seul ce déversement inconscient des formes et des couleurs prime, dans un procédé qui évoquent les toiles de Miró.



Une figure « signature » se détache du flot et revient à travers plusieurs œuvres : celle du petit personnage recroquevillé. Est-ce qu’il essaye de penser au milieu de tout ce boucan ? Est-ce qu’il pleure ? Est-il seulement fatigué ? De lui s’échappent toujours quelques pointillés, parfois un cercle, une croix, comme les marques tenaces d’une quelconque aspiration.




C’est par ces détails précis mêlés à un souffle constant que les intrigantes et captivantes œuvres de Georges Bodocan prennent une dimension mystique, sacrée. Les références religieuses peuvent d’ailleurs renforcer cette impression, qu’il s’agisse du clin d’œil au théologien Jan Hus ou de la représentation de la Cène, associée ici avec humour au guichet d’attente d'un Mcdo.




Quatre salles d’exposition pour transmettre une multitude de messages, puisque telle est l’obsession de cet artiste envoûtant.


Hanemone


*Note du 08/03/2013 : attention pour des raisons matérielles, l'exposition se termine finalement aujourd'hui. Soirée de décrochage à 19h.

lundi 4 mars 2013

The Tough Shits / Audacity

Comme il n’est jamais trop tard pour parler d’un bon disque, nous allons faire un petit retour en 2012 et évoquer deux excellentes sorties, passées un peu inaperçues, signées the Tough Shits et the Audacity. Deux groupes aux styles différents mais qui partagent, d’une part le même label (Burger Records) et d’autre part la même envie d’une musique immédiate, simple et décontractée.


Commençons par les poppeux : the Tough Shits. Arborant un nom débile et une pochette mettant en scène une bande de freaks qui foutent le boxon dans une fête foraine, the Tough Shits a en apparence tout du groupe punk bas du front. Erreur ! L’écoute de ce LP révèle une jolie collection de chansons pop grésillantes et catchy, qu’il est difficile de bouder. 

Sans rien révolutionner, le quatuor originaire de Philadelphie élève au contraire la banalité au rang d’Art. Les structures, tout comme les refrains, semblent familiers mais prennent une dimension casse-gueule délicieuse dans les mains des Tough Shits et de leurs paroles décalées. Du garage-pop ("Try not to laugh") au rock simplet ("Hombre de la Cocaina") en passant par la pop intemporelle ("Early Grave", "Security Blanket" et surtout la superbe "She’s a loner"), the Tough Shits livrent un de ces disques "mineurs" très attachants, réjouissants en toutes circonstances. 

On traverse maintenant les Etats-Unis pour trainer du côté de Fullerton, Californie, où sévit the Audacity et son punk débraillé. Repéré en 2009 grâce à leur premier LP Power Drowning, patate chaude garage-punk enregistrée dans des chiottes, le groupe repointe le bout de ses cheveux gras avec Mellow Cruisers, toujours chez Burger.


En trois ans the Audacity a étoffé son identité sonore et diversifié sa palette. Les compositions sont désormais plus sinueuses, avec des changements de rythmes bien sentis ainsi que l’ajout de gimmicks pop accrocheurs ("Garza Girls", "Extensions"). The Audacity n’a pas pour autant perdu son âme de slacker je-m’en-foutiste, ce qui permet à Mellow Cruisers de garder toute sa fougue adolescente ("Indian Chief", "Funspot"). Il ne manque qu’un gros tube.
Punching Joe

L'album Mellow Cruisers est en écoute ci-dessous. Il vient d'ailleurs d'être repressé par Burger Records.