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lundi 27 août 2012

The June Brides



En juin dernier, la quasi-totalité des membres de June Brides se sont réunis à nouveau pour sortir un 45 tours sur Slumberland records, 26 ans après leur dernier single. Et même si les deux chansons en question ne méritent pas vraiment qu’on s’y attarde, j’ai pensé que c’était l’occasion de réécouter leur fascinant et unique mini album, There are eight million stories, édité par Pink label en 1985, histoire de faire une virée dans une décennie chère à mon cœur. 

Les six garçons de June Brides, emmenés par Phil Wilson, ont connu le succès dans l’Angleterre des années 80 : couverture du NME, bonne place dans l’indie chart, première partie des Smiths sur invitation de Morrissey…avant de s’éclipser aussi vite qu’ils étaient arrivés et de se fondre, avec le temps, dans toute la flopée des groupes estampillés C86. A l’époque la formation a d’ailleurs refusé de figurer sur la fameuse compilation par peur de se faire cataloguer. Or pas de doute, leur son s’inscrit clairement dans l’indie pop des années 80 avec tout ce qu’elle a de magique : l’art subtile de réunir le sentiment de joie et celui de mélancolie, l’envie qu’elle donne de fredonner tout bas la délicieuse mélodie et de se planquer derrière les guitares saturées mais douillettes. La représentation la plus pure et parfaite de cette indie pop made in eighties serait d’ailleurs pour moi les morceaux des Pastels qui réjouissent mon âme chaque jour que Dieu fait (♫ take my hand and take my heart I shiver when you’re near ♫). Or les titres de June Brides, bien qu’emprunts des caractéristiques susnommées se détachent de beaucoup des productions de l’époque par leur emphase, leur suprême élégance. En clair ils sonnent moins "adolescent fragile", ils nous poussent moins à l’autisme (celui qui va trouver son paroxysme dans l'hypnotisant shoegaze, bien inspiré par ces aînés peu enclins aux hurlements et à la démonstration). Ceci est en partie du à une sublime instrumentalisation, très élaborée et foisonnante, avec notamment l’intervention du trompettiste Jon Hunter qui marque des morceaux comme "Every conversation", "Heard you whisper", mais aussi à la voix mélodieuse, assurée et puissante de Phil Wilson. Y a pas à dire ces types sont vraiment classes. Leur son n’est d’ailleurs pas sans évoquer les non moins chics stars de l’époque, les Smiths, surtout sur des titres comme "Sunday to Saturday" ou "In the rain". Les rythmiques sèches et obsédantes qui parcourent There are eight million stories nous ramènent aussi de l’autre côté de l’Atlantique, au pays des Feelies et de leur fabuleux Crazy Rhythms

"Sunday to Saturday"

"Heard you whisper"

"I fall" live 1986


Quand le groupe s’est séparé après des problèmes de fric et aussi, je crois, de maison de disques, Phil Wilson a entamé une carrière solo sur le mythique Creation records, tout aussi éphémère que celle des June Brides, avant de se remotiver en 2010 pour sortir un album (God bless Jim Kennedy) et de regrouper petit à petit ces potos pour les deux titres que j’évoquais au début, "A January Moon" et "Cloud" (le premier étant le plus intéressant des deux).



A noter qu’en 2010 un tribute album dédié aux June Brides et à Phil Wilson a été édité par le label irlandais Yes Boy Ice-cream. On peut y entendre, entre autres, une version du morceau "Waiting for a change" réalisée par notre petit prince de l’antifolk adoré : Jeffrey Lewis.

Hanemone

vendredi 24 août 2012

Le Petit Dickie Illustré de Pieter de Poortere


En réalisant Le petit Dickie illustré, Glénat a eu la très bonne idée de regrouper en un seul volume la quasi-intégralité des folles aventures de Dickie, ce petit fermier belge aux traits rudimentaires, symbole d’un humour noir et irrévérencieux depuis maintenant plus de 10 ans. Ici sont compilées toutes ses apparitions depuis 2001, que ce soit dans des revues comme Ferraille et Fluide Glacial ou dans ses publications chez les Requins Marteaux (Dickie 1, 2 et 3). Seuls les deux albums parus chez Glénat sont absents (Dickie à Hollywood et Le fils d’Hitler).


Pieter de Poortere a crée Dickie (Boerke en VO) au début des années 2000 alors que des scandales agro-alimentaires frappaient le milieu paysan belge. A la base, Dickie est donc un fermier rondouillard et moustachu, une sorte de croisement bizarre entre Mario et un playmobil. Ses traits de caractère ? Peu expressif, complètement silencieux (c’est une bd muette), lubrique, mais surtout poissard comme pas deux. Dans la plupart des planches des débuts, Dickie finit soit mort, soit sérieusement blessé, soit dans un état de profonde dépression. Sur les neuf cases qui composent chaque sketch, Pieter de Poortere apporte toujours un soin particulier à la dernière, créant des chutes aussi drôles qu’intelligentes. Admiratif de Chris Ware (Jimmy Corrigan, Acme) et de ces personnages taciturnes, il donne à Dickie une dimension profondément mélancolique, qu’il nuance néanmoins avec un humour millimétré. Ne vous attendez pas à rire à gorge déployée. Le rire provoqué par la lecture de Dickie est très intérieur, mi-gras, mi-gêné, mais d’une subtilité à rebours complètement exquise, aussi bien à travers les petites horreurs quotidiennes de Dickie dans sa ferme que dans ses préoccupations géopolitiques (CF le running gag de Dickie qui essaye d’aider l’Afrique).


Plus les années vont passer et plus Dickie va devenir un personnage universel. Dans Dickie 3 par exemple, l’auteur extrait son petit paysan de la campagne belge pour lui faire réécrire l’histoire de l’humanité. Tout y passe, des hommes des cavernes cruels à la seconde guerre mondiale, en passant par les croisades ou la genèse de Mona Lisa. Et encore une fois Dickie fait un doigt d’honneur ferme (malgré ses petits doigts potelés) au politiquement correct et à la bien-pensance. Une liberté de ton rafraichissante, en dehors de toute pose, qui permet à Pieter de Poortere de diffuser une critique acide de la société actuelle (surtout dans les planches récentes), faisant de Dickie le symbole d’une humanité paumée et dégénérée, mais toujours touchante.


A noter que l’auteur a eu pitié de la solitude de ce pauvre Dickie et il lui a créé un alter-ego féminin, Vickie (Vuurke en VO, ce qui signifie petite pute), prostituée au rabais qui vient remplir avec parcimonie quelques planches. Le livre contient également de belles doubles pages dessinées dans lesquelles il s’agit de retrouver Dickie sur le même principe que « Où est Charlie ».


Punching Joe

lundi 13 août 2012

Package iconographique de l'Almanach Soldes



Si vous êtes à la recherche de passe-temps à Paris en ce mois d’août, aller faire un tour quai de Valmy, au Point Ephémère, pour voir l’expo Package iconographique de l’Almanach Soldes. Vous pourrez non seulement feuilleter le dernier numéro de cette chouette revue mais aussi déambuler à travers sa mise en scène. 

Soldes était un trimestriel belge dans les années 80 et comptait, s’il vous plaît, Mister Warhol parmi ses lecteurs les plus fidèles. Après avoir un temps disparu elle fait son retour en version Almanach, emmenée par le designer graphique Marc Borgers et éditée par la maison belge La 5e Couche. La revue, qui se décrit elle-même comme « pop intello » (sous titrée « la revue des ouvriers philosophes et des intellectuels bricoleurs »), propose une réflexion sur les grands changements de nos sociétés à travers les yeux d’artistes issus de la bande dessinée, du graphisme, de la photo, de la littérature…

dernier numéro de Soldes fin de séries almanach
Il semble que l’expo quai de Valmy donne un bon aperçu de ce qu’est Soldes et permet de découvrir les œuvres des illustrateurs en tailles réelles, via une scénographie bien pensée. Vous pourrez y voir, entre autres, les petits portraits parfois inquiétants de Danielle Luinge ou encore les triturations d’esprit de Jonathon Rosen. On a tout particulièrement aimé les dessins outranciers de Martes Bathori, hauts en couleurs et pourvus d’un humour se situant quelque part entre le noir et le potache. L’artiste énigmatique à la biographie burlesque (« né au siècle dernier dans les Carpathes Transylvaniennes », « il étudie l’entomologie auprès du professeur Otto von Aschenbecher », « on signale sa présence parmi les reptiles du jardin zoologique de Rotterdam ») a d’ailleurs publié plusieurs bandes dessinées chez l’excellente maison bordelaise Les Requins Marteaux en qui nous avons une confiance aveugle. 

Package iconographique de l'Almanach Soldes

Martes Bathori


Le 11 septembre l’expo s’achèvera par un « boom » de finissage avec entre autres l’intervention du philosophe Bernard Stiegler qui nous expliquera « comment combattre la bêtise »…de quoi faire face à la rentrée...

Hanemone