Manifeste à la gloire de la paresse, Experimental Jelly aura bercé nos plus beaux moments de glande cette année. Dépourvu du moindre dynamisme, constamment à l’agonie, ce deuxième disque des Californiens Tomorrows Tulips a imposé petit à petit son romantisme déglingué, au point de devenir un indispensable disque de chevet.
Pour comprendre l’origine de ce romantisme illuminé, il convient de rappeler que Tomorows Tulips est le projet musical d’un certain Alex Knost, surfeur professionnel. Mais Alex Knost n’est pas de ces riders stéréotypés buveurs de redbull, loin de là. C’est un mec à l’ancienne, flottant les bras ballants sur sa longboard ; un mystique qui entretient un rapport presque religieux à l’océan, qu’il considère comme "une source d’illumination sur terre." Une philosophie de vie qui déteint forcément sur sa musique comme il le précise toujours dans la même interview : "Pour moi surfer et jouer de la musique sont des pratiques artistiques à mettre sur le même plan. C’est un peu comme être amoureux de deux filles en même temps."
Ces deux arts, il les aborde avec une décontraction presque indécente pour le commun des mortels. Mais la jalousie fait vite place à l’émerveillement quand on saisit la quiétude qu’il dégage et qui anime ce Experimental Jelly. Une sérénité ensoleillée qui prend pourtant place dans des pop-songs bordéliques, jouées au ralenti. Les premières écoutes du disque peuvent ainsi laisser dubitatif tant les repères manquent. Rappelons que Tomorrows Tulips fait dans la pop à trois accords, amatrice et lo-fi, pas accrocheuse pour un sou, encore moins efficace. Et si Alex Knost fait du surf de manière anachronique, la façon d'écouter sa musique l’est tout autant.
Experimental Jelly débute son voyage au cœur de la fatigue avec la magnifique "Flowers On The Wall", lancinante et traversée par des solos de guitare sans queue ni tête. Les influences sont à aller chercher chez des héros DIY comme Beat Happening ou Guided By Voices ("Dream Through", "A Waste"), parfois déclinées à la sauce californienne ("Vacation" ou "Wake Up", soit les Beach Boys sous sédatifs). La voix de Knost y est aussi pour beaucoup, épuisée et suppliante, non sans rappeler celle de Lou Reed comme sur "He Quits", monument de paresse avec son violoncelle ronronnant. Si l’on excepte la jam noisy "Misses Hash", l’album s’apparente à une collection de complaintes, recroquevillées sur elles-mêmes, qui trouvent leur beauté dans une constante instabilité. La fin d’Experimental Jelly est ainsi une chute libre : "Free" et "Mr. Sun" larguent définitivement les amarres, jouant une pop en perdition qui échoue finalement dans un rêve nommé "Internal Perm". Cette berceuse presque irréelle conclut parfaitement un disque sublime, car souvent insaisissable.
Punching Joe
Pour le plaisir (on appréciera à chaque fois la bande-son)