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vendredi 27 décembre 2013

Tomorrows Tulips-Experimental Jelly


Manifeste à la gloire de la paresse, Experimental Jelly aura bercé nos plus beaux moments de glande cette année. Dépourvu du moindre dynamisme, constamment à l’agonie, ce deuxième disque des Californiens Tomorrows Tulips a imposé petit à petit son romantisme déglingué, au point de devenir un indispensable disque de chevet.



Pour comprendre l’origine de ce romantisme illuminé, il convient de rappeler que Tomorows Tulips est le projet musical d’un certain Alex Knost, surfeur professionnel. Mais Alex Knost n’est pas de ces riders stéréotypés buveurs de redbull, loin de là. C’est un mec à l’ancienne, flottant les bras ballants sur sa longboard ; un mystique qui entretient un rapport presque religieux à l’océan, qu’il considère comme "une source d’illumination sur terre." Une philosophie de vie qui déteint forcément sur sa musique comme il le précise toujours dans la même interview : "Pour moi surfer et jouer de la musique sont des pratiques artistiques à mettre sur le même plan. C’est un peu comme être amoureux de deux filles en même temps."

Ces deux arts, il les aborde avec une décontraction presque indécente pour le commun des mortels. Mais la jalousie fait vite place à l’émerveillement quand on saisit la quiétude qu’il dégage et qui anime ce Experimental Jelly. Une sérénité ensoleillée qui prend pourtant place dans des pop-songs bordéliques, jouées au ralenti. Les premières écoutes du disque peuvent ainsi laisser dubitatif tant les repères manquent. Rappelons que Tomorrows Tulips fait dans la pop à trois accords, amatrice et lo-fi, pas accrocheuse pour un sou, encore moins efficace. Et si Alex Knost fait du surf de manière anachronique, la façon d'écouter sa musique l’est tout autant.


Experimental Jelly débute son voyage au cœur de la fatigue avec la magnifique "Flowers On The Wall", lancinante et traversée par des solos de guitare sans queue ni tête. Les influences sont à aller chercher chez des héros DIY comme Beat Happening ou Guided By Voices ("Dream Through", "A Waste"), parfois déclinées à la sauce californienne ("Vacation" ou "Wake Up", soit les Beach Boys sous sédatifs). La voix de Knost y est aussi pour beaucoup, épuisée et suppliante, non sans rappeler celle de Lou Reed comme sur "He Quits", monument de paresse avec son violoncelle ronronnant. Si l’on excepte la jam noisy "Misses Hash", l’album s’apparente à une collection de complaintes, recroquevillées sur elles-mêmes, qui trouvent leur beauté dans une constante instabilité. La fin d’Experimental Jelly est ainsi une chute libre : "Free" et "Mr. Sun" larguent définitivement les amarres, jouant une pop en perdition qui échoue finalement dans un rêve nommé "Internal Perm". Cette berceuse presque irréelle conclut parfaitement un disque sublime, car souvent insaisissable.
Punching Joe

Pour le plaisir (on appréciera à chaque fois la bande-son)



samedi 21 décembre 2013

Kevin Morby-Harlem River


C’est une bonne surprise de cette fin d’année, le New-Yorkais Kevin Morby livre son premier album solo, Harlem River, publié chez Woodsist. D’abord connu comme le bassiste de Woods, Kevin Morby a ensuite trusté le devant de la scène indie avec the Babies, groupe formé avec Cassie Ramone des Vivian Girls. Il y a un an les Babies sortaient d’ailleurs leur deuxième album Our House On The Hill où Kevin Morby s’affirmait un peu plus à travers des chansons à la mélancolie rock’n’roll irrésistible.



On est ainsi peu étonné de le voir se lancer en solitaire, armé d’un premier disque délicat et assez ambitieux. Il y a quelques semaines on croisait le chemin de Cassie Ramone à l’Espace B (elle aussi s’est lancée sous son propre nom), venue chantonner quelques unes de ses compositions, sympathiques mais un poil trop inoffensives. Kevin Morby évite lui l’écueil du gratouillage mignon en enrobant son Harlem River d’une production joliment travaillée. Les chansons  ne sont pas de simples ballades mais de belles pièces savamment pensées. "Harlem River" notamment qui, à l’aune d’un simple gimmick de guitare et d’une rythmique tâtonnante, déploie sur près de neuf minutes une ambiance lugubre. Le début de l’album est d’ailleurs parfait : "Miles, Miles, Miles" promène un arpège cristallin tout en pudeur, sur lequel la voix de Morby, d’une tristesse naturelle toujours bouleversante, plane sereinement. "Wild Side (On the Places You’ll Go)" est elle une des plus belles chansons entendues cette année, confirmant les talents de compositeur du New-Yorkais.

La suite du disque n’atteindra pas le niveau de ces trois premiers titres mais s’avère d’une qualité tout à fait respectable (si l’on excepte la plombante "Slow Train" en duo avec Cate Le Bon). Que ce soit dans un minimalisme folk ("If You Leave And If You Marry") ou dans la country western ("Reign"), Morby avance avec assurance. Si les chansons gardent cette fraîcheur qui caractérise son songwriting, on est assez loin de la spontanéité fougueuse du premier LP des Babies. L'écriture de Kevin Morby est aujourd'hui animée d’une sagesse tout aussi touchante, incarnée dans un Harlem River, lent et enchanteur, qui en fait un très beau disque de canapé.
Punching Joe