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vendredi 26 octobre 2012

The Soft Pack-Strapped

Qu’un de mes groupes adorés décide de voguer sur des sonorités nouvelles et de varier son style, aucun problème. La preuve j’ai encensé récemment le dernier disque des Fresh & Onlys. Mais là où le quatuor san franciscain a réussi son excursion 80’s avec classe et justesse, mes Soft Pack tant aimés, eux, se vautrent assez durement à l'heure du renouveau. Strapped, sorti chez Mexican Summer est tout simplement raté.
"Tallboy"

La déception est en fait à la hauteur de l’attente mise dans cet album, et il est fort probable que je n’aurais pas dépassé les deux écoutes sans l’inscription « the Soft Pack » sur la pochette. Le Soft Pack putain ! Ces anti-rockeux aux pulls moches qui nous avaient déjà mis KO à l’époque où ils s’appelaient encore the Muslims. On écoutait, fébrile, leur indie-garage rachitique aux exquis relents de Feelies. Puis le Soft Pack et un premier LP proche de la perfection rock’n’roll. De l’énergie sèche, accompagnée par un flegme fascinant, qui faisaient resplendir des chansons d’une justesse aberrante.

Aujourd’hui adieu la fougue, la précision, le souffle, le Soft Pack joue dans la catégorie demi-molle sur Strapped. Pourtant ça commence bien : "Saratoga", "Second Look" et "They Say", envoient un bon indie-rock joué pied au plancher, avec des guitares qui cavalent et une batterie qui claque. On en oublie presque ce son lisse et on se surprend à trouver les arrangements cuivrés réussis. On aperçoit même la lumière sur "Tallboy", chanson plus posée, portée par un clavier malicieux et un refrain touchant. Alors on acquiesce intérieurement : « Je te l’avais dit, ‘sont capable de tout ces mecs ». Et soudain la descente aux enfers. "Bobby Brown" surgit de nulle part, bavant dans nos oreilles innocentes son gimmick parasite et son groove électro digne d’une bande-son Monoprix. Pour nous achever ils ajoutent même un solo de saxo soft-jazz, évoquant l’érotisme obsolète des feu programmes d’M6 du dimanche soir. Oui, ça fait mal.

"Bobby Brown"

Après ça, impossible de remonter la pente. "Everything I Know", "Chinatown", "Ray’s Mistake", ne dégagent rien, si ce n’est l’envie de bailler. A partir d’une bribe d’idée musicale le Soft Pack construit des chansons plates, qu’il agrémente d’arrangements de plus en plus douteux au fil de disque (on aura même droit sur "Captain Ace" à une bataille entre une cruche électrique et un saxo…). Et qu’on ne vienne pas dire qu’il s’agit de maturité. Au contraire, on est ici face à un groupe complètement dépassé par son projet, essayant tant bien que mal de sauver les meubles (une chanson comme "Head on Ice" semble presque coupée avant la fin).

On pourrait s’acharner sur la bête, essayer de comprendre des sacrilèges comme "Oxford Ave" (la théorie la plus probable étant qu’elle a été commandée par Thierry Becarro pour renouveler le générique de Motus) ou invoquer des esprits miséricordieux pour qu’on nous rende la voix de Matt Lamkin (séquence émotion : Extinction), mais ceci en vain : ce qui est fait est fait. Trop fade pour les fans de la première heure, pas assez catchy pour les radios, Strapped est un album informe qu’on a presque envie de ranger à côté de tous ces trucs indie-pop-électro-gluants qu’on nous sert surgelés par boite de dix et qui font le bonheur des prescripteurs en quête de sensations. La déception est immense, mais on ne vous laisse pas tomber les gars. Juste : arrêtez les conneries bordel.
Punching Joe

vendredi 19 octobre 2012

Boomgates-Double Natural



Le terme « super-groupe » désigne souvent des projets un peu foireux où des musiciens pleins de bonnes intentions sont incapables de trouver une alchimie une fois ensemble. Je n’ai donc pas envie d’assimiler Boomgates à cette catégorie. Car si le groupe se fonde sur plusieurs membres d’excellentes formations basées à Melbourne (dont Brendan Huntley, frontman d’Eddy Current Suppression Ring, Steph Hughes de Dick Diver ou Rick Milovanovic de Twerps) je vois plutôt leur projet comme la réunion naturelle de potes d’une même ville, ayant simplement envie de faire de la musique. Et c’est probablement grâce à cet humble désir que leur premier LP, Double Natural, est une belle réussite.


On associe toujours assez facilement les disques australiens avec l’été et le surf. Boomgates s’éloigne radicalement de ces clichés et livre un album à la douceur automnale, où une indie-pop légère et parfumée aux feuilles mortes se déploie avec aisance. Dès la magnifique "Flood Plains" inaugurale le décor est planté : deux guitares pudiques s’entremêlent et ouvrent sur une chanson simple et prenante, portée par un duo de voix féminin/masculin complémentaire. L’alliance est d’ailleurs un point fort du disque. D’un côté Steph Hughes dans un style très Sarah Records et de l’autre Brendan Huntley, connu pour son rôle de chanteur possédé et intenable chez ECSR, qui ici se canalise, sans perdre sa gouaille cependant, et offre une prestation tout à fait touchante ("Hold me now"). Un duo improbable mais au sein duquel, tel la Belle et la Bête, la magie opère. 

Sans chercher l’estocade ou le coup de génie, Boomgates construit son album de manière plutôt linaire mais avec une qualité des titres qui a chaque fois fait mouche. Le groupe tisse une indie-pop pleine de personnalité, assumant un côté mature, délaissant au contraire l’imagerie naïve et béate souvent propre au genre. Ils esquissent même des rapprochements avec les Modern Lovers ("Natural Progression"), l'indie 90's ("Cows Come Home") ou le post-punk ("Whispering and Singing") sans s’égarer. Subsiste un disque modeste dans sa réalisation, mais au charme indéniable et réconfortant. Le compagnon idéal pour préparer les longues nuits d’hiver.
Punching Joe
"Natural Progression", live


Sur le web :
-Le disque est sorti sur l'excellent label Bedroom Sucks
-Vous pouvez réécouter notre mix indie-rock australien 

mardi 2 octobre 2012

Blackfeet Braves, s/t LP


Cela faisait deux ans qu’on se contentait de leurs fameuses démos, lâchées nonchalamment sur une page Bandcamp. Un peu énervés devant le manque de mises à jour, on s’est résolu à les ranger dans la catégorie des gros branleurs bourrés de talent mais incapables de s’assumer. Erreur. Durant l’été tout s’est accéléré et les Blackfeet Braves ont refait surface, annonçant la sortie de leur premier album. Mis en écoute gratuite, ce LP, qui devrait bientôt se matérialiser sur du vinyle*, est à la hauteur des espoirs qu’on avait placés sur leurs tronches de californiens je-m’en-foutiste.
"Oh So Fine"

Redécouvert par les Growlers et leur autoproclamé son « beach goth », le mysticisme dans la pop trouve avec les Blackfeet Braves son expression la plus envoûtante. Trop souvent monopolisées par les psyché, les mélodies vaudou sont pourtant tout aussi prenantes lorsqu’elles s’expriment à travers des guitares aigrelettes. Car pas besoin de paluches rugueuses pour manipuler ces sonorités et conduire vers le tant convoité « trip » ; les Blackfeet Braves et leur doigté sensible y arrivent tout aussi bien.

Ce premier LP est ainsi parcouru par une espèce de fragilité qui confine au merveilleux. Sans renier les démos, les Blackfeet Braves ont néanmoins voulu affiner leur son. Ils n’ont cependant pas complètement renoncé à leur patine lo-fi si charmante. Si le tube "Trippin’ like I do" perturbe d’abord par sa rythmique plus rentre-dedans,  il n’en reste pas moins, au fil des écoutes, une chanson au riff absorbant complètement fascinant. Ces gars sont des orfèvres pop comme on en croise peu souvent. Sur une compo, la sublime « Oh So Fine » par exemple, ils sont ainsi capables de reléguer des groupes comme Real Estate au rôle de simples figurants.
L’imaginaire californien est évidemment au cœur du débat ici. Mais loin des clichés, il est peint avec une sorte de lassitude et de mélancolie qui fait presque passer les plages de LA pour des plaines fantomatiques du Montana. Comme avec les Growlers, on est face à des jeunes plus désœuvrés et lascifs qu’enthousiastes et naïfs. On se met alors à barboter dans leur surf-pop aux accents western avec une nonchalance prononcée, bercés par des couplets langoureux et fouettés par des refrains écumant légèrement sur la nuque. 

On pourrait parler plus précisément des chansons : dire à quel point "Cloud 9", "Mystic Rabbit" ou "Misery Loves Compagny", sont géniales, dire à quel point les tremolos dans la guitare nous font fondre, ou décrire en détail les effets sur le métabolisme de ce petit clavier sifflotant et de ces voix chevrotantes, mais ce serait entrer impudiquement dans une expérience qui n’appartient qu’à l’auditeur. A l’aube ou au crépuscule, la musique des Blackfeet Braves brille avec un même éclat noir qu’il est difficile de décrire.
Punching Joe

L'album est en écoute intégrale ci dessous, vous pouvez également faire un tour sur le site du groupe et commander le LP, *disponible depuis février 2013 chez Lolipop Records.