Qu’un de mes groupes adorés décide de voguer sur des sonorités nouvelles et de varier son style, aucun problème. La preuve j’ai encensé récemment le dernier disque des Fresh & Onlys. Mais là où le quatuor san franciscain a réussi son excursion 80’s avec classe et justesse, mes Soft Pack tant aimés, eux, se vautrent assez durement à l'heure du renouveau. Strapped, sorti chez Mexican Summer est tout simplement raté.
"Tallboy"
La déception est en fait à la hauteur de l’attente mise dans cet album, et il est fort probable que je n’aurais pas dépassé les deux écoutes sans l’inscription « the Soft Pack » sur la pochette. Le Soft Pack putain ! Ces anti-rockeux aux pulls moches qui nous avaient déjà mis KO à l’époque où ils s’appelaient encore the Muslims. On écoutait, fébrile, leur indie-garage rachitique aux exquis relents de Feelies. Puis le Soft Pack et un premier LP proche de la perfection rock’n’roll. De l’énergie sèche, accompagnée par un flegme fascinant, qui faisaient resplendir des chansons d’une justesse aberrante.
Aujourd’hui adieu la fougue, la précision, le souffle, le Soft Pack joue dans la catégorie demi-molle sur Strapped. Pourtant ça commence bien : "Saratoga", "Second Look" et "They Say", envoient un bon indie-rock joué pied au plancher, avec des guitares qui cavalent et une batterie qui claque. On en oublie presque ce son lisse et on se surprend à trouver les arrangements cuivrés réussis. On aperçoit même la lumière sur "Tallboy", chanson plus posée, portée par un clavier malicieux et un refrain touchant. Alors on acquiesce intérieurement : « Je te l’avais dit, ‘sont capable de tout ces mecs ». Et soudain la descente aux enfers. "Bobby Brown" surgit de nulle part, bavant dans nos oreilles innocentes son gimmick parasite et son groove électro digne d’une bande-son Monoprix. Pour nous achever ils ajoutent même un solo de saxo soft-jazz, évoquant l’érotisme obsolète des feu programmes d’M6 du dimanche soir. Oui, ça fait mal.
"Bobby Brown"
Après ça, impossible de remonter la pente. "Everything I Know", "Chinatown", "Ray’s Mistake", ne dégagent rien, si ce n’est l’envie de bailler. A partir d’une bribe d’idée musicale le Soft Pack construit des chansons plates, qu’il agrémente d’arrangements de plus en plus douteux au fil de disque (on aura même droit sur "Captain Ace" à une bataille entre une cruche électrique et un saxo…). Et qu’on ne vienne pas dire qu’il s’agit de maturité. Au contraire, on est ici face à un groupe complètement dépassé par son projet, essayant tant bien que mal de sauver les meubles (une chanson comme "Head on Ice" semble presque coupée avant la fin).
On pourrait s’acharner sur la bête, essayer de comprendre des sacrilèges comme "Oxford Ave" (la théorie la plus probable étant qu’elle a été commandée par Thierry Becarro pour renouveler le générique de Motus) ou invoquer des esprits miséricordieux pour qu’on nous rende la voix de Matt Lamkin (séquence émotion : Extinction), mais ceci en vain : ce qui est fait est fait. Trop fade pour les fans de la première heure, pas assez catchy pour les radios, Strapped est un album informe qu’on a presque envie de ranger à côté de tous ces trucs indie-pop-électro-gluants qu’on nous sert surgelés par boite de dix et qui font le bonheur des prescripteurs en quête de sensations. La déception est immense, mais on ne vous laisse pas tomber les gars. Juste : arrêtez les conneries bordel.
Punching Joe