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vendredi 19 août 2011

Triptides, Psychic Summer

Catch the wave

Basés à Bloominton, Indiana, Josh Manashe et Glenn Brigman forment en 2010 Triptides. Plutôt productifs ils sortent deux EPs (Triptides et Tropical Dreams) avant de pondre un album en juillet dernier, intitulé Psychic Summer, chez Beach Tapes. Manifeste psyché-surf d’une qualité affolante, Psychic Summer tourne en bouche depuis plusieurs jours chez moi, il fallait que je vous en parle.
S’il y a bien une de leurs obsessions que le duo aime partager, et la pochette, comme le titre, en en sont des indices, c’est celle de l’été. Plage, soleil, surf, cette thématique bouillonne durant les 14 chansons proposées. Un fantasme nostalgique pour eux qui ont dû quitter les côtes américaines et venir s’installer dans l’Indiana, région paysanne et froide, à des milliers de kilomètres de la première vague. Si le son du groupe est résolument tourné vers la surf-pop et le garage, la tonalité rêveuse de leur musique est apportée par de nombreuses impulsions psyché, voire shoegaze, qui constituent un mélange des genres plus que convainquant. Pas étonnant alors de retrouver dans leurs influences aussi bien des groupes des compilations Nuggets que Tame Impala ou Beach House.
Le disque commence par une petite intro exquise ("Drift away") qui se conclue par un "Let’s go surfin’" scandé, histoire qu’on comprenne où on met les pieds. Dans la foulée, le single "Going under" et sa guitare colorée nous invite à une beach party enjouée et dansante. Au fil des chansons le son prend de l’ampleur et se gorge de la fameuse touche psyché-shoegaze, permettant au compos de s’envoler et d’atteindre des sphères où l’imaginaire se perd avec délectation. J’ai vraiment l’impression d’entendre le Nowhere de Ride sur certaines pistes ("Pier", "Satin Skies", Mark Gardener sort de ce corps !), pour mon plus grand plaisir. Le groupe maîtrise ses influences, ce qui lui donne une vraie identité. Ainsi ils n’hésitent pas à revenir vers le garage sixties à coups de riffs bien sentis et accrocheurs ("Who knows") ou à se plonger dans les abysses avec douceur lors de morceaux plus calmes et éthérés, comme sur le superbe "Island". Car si le fil rouge reste l’océan, Triptides nous propose une palette d’ambiances diverses sur ce même thème, allant du réveil ensoleillé ("Psychic summer" et ses guitares qui s’entremêlent) aux soirées moites ("Catch a wave") en passant par l’après-midi surf ("Outlaw"). L’album se termine sur la parfaite "Venus is cruel" (extraite de l’EP Tiptides), captée live, qui laisse entrevoir une énergie que l’on ne soupçonnait pas et qui promet des concerts haletants !
A l’heure du bilan, je ne vois pas grand-chose à redire à cette œuvre. Une identité forte, des mélodies aussi catchy que mystérieuses et des musiciens au diapason. Cet album s’impose comme un incontournable de cette année et les Triptides comme un groupe à suivre de très près. Pour vous offrir un surf sur les nuages, écoutez Psychic Summer !
Punching Joe

L’album est en téléchargement pour une poignée d’euros sur leur Bandcamp, ce serait dommage de s'en passer. Vous pouvez aussi acheter la cassette, faite maison, toujours à un prix très raisonnable. Et pour prolonger ce Psychic Summer je vous invite vivement à écouter leurs EPs, notamment Tropical Dreams.


"Venus is cruel"

dimanche 14 août 2011

Folks-Blues Festival Binic 2011

Preachin’ the blues

Walking with the beast est parti quelques jours se faire péter la panse et les oreilles en Bretagne. Un résumé sur ce dernier point s’impose.
Pour la troisième année consécutive l’improbable Folks-Blues Festival s’est tenu dans la très charmante petite ville de Binic (Côtes-d’Armor). Improbable car pendant trois jours le tranquille port de plaisance, où de gentils vacanciers, pull autour du cou, glace à la main, viennent en famille flâner au calme, se transforme en Mecque du blues et voit débarquer lunettes noires, guitares slide et harmonicas du bayou. Un rêve rendu possible par l’association locale, La Nef D Fous et son armée de bénévoles dévoués à la cause rock’n’roll…le tout gratuitement et sous le parrainage de James Leg : La Classe.


Reverend James Leg, parrain du Folks-Blues Festival 2011 
© Cyril Frionnet

Loin de l’ambiance culs coincés hype des concerts de rock indé auxquels on assiste tout au long de l’année, le Folks-Blues Festival se démarque par son esprit profondément convivial. Pas étonnant que la crème du punk-blues actuel s’y plaise : Black Diamond Heavies, Left Lane Cruiser, Henry’s Funeral Shoe, Mark Porkchop Holder, Johnny Walker (Soledad Brothers), etc. Des musiciens en phase avec la volonté des organisateurs de proposer "des mecs capables de tout donner devant 15 ou 2000 personnes". Deux petites scènes (Place de la Cloche et Place Pommelec) sont disposées à chaque bout du port et permettent ainsi aux festivaliers de déambuler selon leurs envies. Pas question pour les artistes de ne livrer qu’une seule prestation chronométrée, la plupart feront le marathon durant les trois jours.


Vendredi :
Après avoir écouté de loin l’excellent rock’n’roll hystérique de Sherif Perkins, on se dirige vers Pommelec pour Left Lane Cruiser, from Indiana. Ravi d’être encore là, le duo d’Alive Records va lancer le festival avec la manière, grâce à son raw-blues aussi violent que groovy. Frederick Joe Evans, maestro de la guitare slide, balance du riff entêtant au kilomètre sur son chant gras, 200 % ricain, tandis que Brenn Beck à la batterie s’occupe de nous exciter le palpitant. Un premier concert parfait !

Left Lane Cruiser
© Walking with the beast
Les Magnetix dans la foulée, seul groupe de garage du festival, n’avaient qu’à enfoncer le clou comme ils savent si bien le faire. Pourtant le concert laisse une impression de raté, la faute à une attitude douteuse, qui contraste avec l’enthousiasme des précédents Left Lane Cruiser. Le duo semble jouer pour leurs quelques potes postés tout devant et n’insuffle pas vraiment de rythme dans son garage bordélique. D’habitude son point fort, l’attitude un brin à l’arrache du groupe devient ici caricaturale et lourde. Dommage. Paraît que c’était mieux le samedi, on ne saurait vous dire, on avait décidé de zapper et de réessayer le dimanche mais le duo a finalement dû écourter son séjour binicais.

Magnetix
© Walking with the beast
C’est ensuite au tour de Mark "Porkchop" Holder de prendre place sur la scène Pommelec. Dès les premières minutes on bénit son pote James Leg de l’avoir arraché à son cher Tenessee pour l’emmener de l’autre côté de l’Atlantique, une première ! Guitare en métal, grosse caisse et tambourin aux pieds, une voix de bluesman oldshcool, ce white man envoie à la façon  des pionniers des années 20 ! Tout en classe et en finesse, sa musique résonne de manière mystique dans le port de Binic. Les badauds s’arrêtent pour profiter du moment et s'attardent, ils sont comme nous, scotchés. C’est tout l’esprit du festival, le public qui en bonne partie se trouve plus ici pour les charmes du village breton que pour les crasseuses guitares, reste donc véritablement à conquérir. La lumière du jour se retire, mais le blues de Porkchop scintille. Très grand !
Radio Moscow est chargé de finir la soirée à Pommelec. Ici divergent les avis. Punching Joe vous dira qu’aussi sympathiques soient-ils, il ne peut vraiment pas accrocher à leur rock heavy et psyché totalement seventies (parce que tout ce qui touche au seventies, lui, ça n’est pas sa came). Et puis ce guitariste qui branle son manche toutes les 30 secondes, ce batteur qui se contente de faire du bruit…Punching Joe a bien failli perdre le contrôle de ses nerfs. Tandis qu’Hanemone, sans être non plus carrément emballée, vous affirmera que le délirant son testostéroné et la dégaine de Radio Moscow, même si on a déjà vu ça il y a quarante ans et revu depuis, il faut avouer que c’est quand même un brin jouissif, on secoue bien volontiers la tête, en tous cas ça envoie du bois comme dirait l’autre.
On se dirige donc place de la Cloche où les Black Diamond Heavies, du Big Bad Wolf James Leg, ont pris place. Van Campbell est absent à la batterie, remplacé par un certain Nick tout aussi percutant. Le concert prend pourtant une tournure bizarre lorsqu’au fil des minutes James Leg perd pied, complètement ivre. Il blablate deux heures entre chaque chanson comme un gamin qui viendrait de prendre sa première cuite, fait n’importe quoi, sous l’œil parfois exaspéré de son batteur qui essaye de rattraper le truc comme il peut. Le godfather du festival rate un peu son entrée…


Samedi :
Soirée qui bénéficie une nouvelle fois de la clémence du ciel breton. Du coup on  s’offre une double ration de Johnny Walker, on l’avait raté la veille. A 17 heures puis à 21h30. L’ex leader des feu Soledad Brothers, ami de Jack White et actuel taulier de Cut in the Hill Gang, fait étalage de toute sa classe, sous ses airs de dandy anglais déglingué. Une allure qui n’est pas sans nous rappeler celle de Jonathan Richman. Une guitare et un harmonica accompagne sa voix nasillarde et puissante sur un blues-rock qui a fait la renommée des Soledad Brothers. "Cage the tiger" fait sautiller tout le monde avant que le bougre nous sorte une reprise de "Preachin’ the blues" à la sauce Gun Club. Colossale. Enjoué et retourné, on se demande pourquoi ce compositeur légendaire n’a pas encore une statue à son effigie ou une ville à son nom…Géant !

Johnny Walker
© Walking with the beast

La caution folk/douceur/gentil du festival est assurée, entre autres, par Jamie Huntching et Pete Ross. Le son atmosphérique du premier se perd très vite dans l’air saturé de méchant blues qui règne à Binic, tandis que pour le second on déplore une voix et des compo anecdotiques pour ne pas dire irritantes. On préfère s’attarder sur Dirty Deep, qui envoie un blues lourd et hypnotique aux résonnances presque grunge…bizarre mais très bon ! On reste cependant un brin perplexe lorsque ce jeune alsacien, nous arrivant tout droit de Mulhouse, s’adresse au public en anglais…what’s wrong with you guy ?
Il est l’heure pour les Black Diamond Heavies de se rattraper. Et James Leg a eu la bonne idée d’inviter Porkchop sur scène. James est en forme et le feu prend très vite. La guitare de Porkchop apporte une ampleur supplémentaire au son du groupe, déjà très dense. Tout le monde danse frénétiquement sur les chansons tantôt rock’n’roll, boogie, gospel ou blues. Leg parle cette fois-ci pour faire rire "Please, two beers, two whiskies and one diet-coke, for Porkchop" et nous montre qu’il est bien un des mecs les plus rock’n’roll du moment. Avec un timbre pareil, on le soupçonne d’ailleurs de pratiquer les gargarismes au whisky. Summum de la classe il entonne "Drinkin’ too much", tout en autodérision, son orgue, souvent violent, est ici beau à pleurer et sa voix gorgée d’émotion. On ne doutera plus jamais de toi James, promis !
La soirée s’achève avec nos chouchous du festival, les gallois d’Henry’s Funeral Shoe, dont se sera le seul concert. Toujours aussi monolithique la musique des frères Clifford explose sur scène. Les riffs Led-Zeppliniens de Aled éclatent en mille morceaux sous les agressions perpétuelles de son barjot de frangin à la batterie. Ce freluquet reste une énigme : mèche d’ado emo, look H&M, Brennig, une fois derrière les fûts se transforme en sataniste de la frappe : hurlements, sauts, il s’agite comme un singe sous acide et reste ainsi une attraction en soi. Une exubérance jouissive et assumée qui ajoute une touche fun à ce concert encore une fois exaltant.

Aled Clifford, Henry's funeral shoe
© Walking with the beast

Samedi se termine, tant de sautillements et d’émotions, la fatigue se fait sentir mais voilà Johnny Walker en duo avec Porkchop sur le palier d’un bar, on est donc obligé de faire une halte. Et une fois de plus ils nous éclaboussent de leurs talents, ces mecs là ne s’arrêtent jamais putain !


Dimanche :
Dernier jour du festival, on apprécie d’abord de loin le nouveau set de Porkchop, qui décidemment aura été beaucoup sollicité pendant ces 3 jours. On découvre le jeune nantais de Birds are alive, un one man band de rock-blues très rythmé et dansant. On pense presque aux Black Keys…ah tiens, il en fait une reprise justement, cool !  Un gars plein d’avenir qu’on suivra dès la rentrée avec la sorti de son album. On reste toujours place de la Cloche pour Chicken Diamond, dont le blues plus massif nous séduit moins que celui de son prédécesseur. On notera quand même une reprise du Velvet qui fait toujours du bien !

Mark "Porkchop" Holder, place de la Cloche
© Walking with the beast
C’est au tour du Doc Johnny Walker ! Last but not least serait-on tenté de dire ! Encore une fois, le lonesome troubadour nous fout la banane, sa musique semble éternelle, pouvant être répétée à l’infini, sans jamais nous lasser. Ce mec arrive à être touchant et presque fragile, derrière des chansons maitrisées dont les mélodies restent immédiatement en tête. Cerise sur le gâteau voilà qu’il se remet à la reprise du Gun Club, cette fois c’est "Jack on Fire" qui y passe, on jubile intérieurement. Tout le monde à envie de l’embrasser, de le forcer à rester. Une jeune fille implore même un dernier morceau que le décidément sympathique Johnny lui offre volontiers même si son temps imparti est écoulé, à Binic on n’est pas trop à cheval sur les horaires et le programme.
Dans la foulée les BDH sont de retour, avec Porkchop et Walker, par intermittence. Toujours très solide, la formation déploie tout son talent, le Big Bad Wolf, frais et heureux, joue sur commande, avec un plaisir communicatif. Tout le monde semble emballé, ça groove à s’en péter les genoux. Il annonce son retour dans la soirée pour une prestation de folie, même papi et mamie qui n’avaient pas prévu ça, se concertent à côté et décident de rester. Les BDH sont bien un des groupes les plus impressionnants en live ! No discuss !
Les Left Lane Cruiser, après leur parenthèse belge du samedi, remontent sur la scène binicaise avec cette bonhommie ricaine qui les rend très attachants. Comme vendredi le concert est excellent, assez puissant pour nous redonner un petit coup de fouet, et groovy pour nous réchauffer les miches. Les deux guys donnent même de temps à autres dans le phrasé hip hop et nous parlent des Beastie Boys. Le dernier morceau voit arriver James Leg pour une reprise des BDH tonitruante !
Le temps de faire quelques changements de line-up et voilà le show final, la James Leg’s Benediction ! Soit un jam furieux avec Left Lane Cruiser, Johnny Walker, BDH, Porkchop, Dirty Deep, et autres ! On regrette que cette apothéose ait été un peu gâchée par la présence incompréhensible d’un invité inconnu (pour nous) à la batterie. Le bonhomme se la joue bouffon de service avec des mimiques de chimpanzé, un jeu incohérent et faussement décalé. Ok pour le cirque, mais dans une jam de blues ça la fout un peu mal ! D’ailleurs on sent un certain malaise sur scène, notre Johnny étant quelques peu décontenancé pendant 5 bonnes minutes ! Seule explication de ce délire, ledit monsieur a du sauver James Leg d’une chute dans l’eau du port vendredi soir après sa cuite monumentale, et ce dernier a bien voulu le remercier en lui accordant ce moment privilégié. Pour mettre fin au calvaire les musiciens stoppent et font appel à Nick qui se replace derrière les fûts ! On reste amer même si arrivent 10 nouvelles minutes furieuses à la fin desquelles Mark Porkchop arrachent les cordes de sa guitare. Si tôt descendus de scènes, les musiciens se mêlent au public qui se rassasie de bière locale. C’est aussi ça l’esprit du Folks-Blues Festival, maintes fois durant les trois jours on aurait pu donner une bonne tape dans le dos à Johnny, Mark ou James, ceux-ci étant autant sur scène que dans la foule et semble t-il toujours prêts à échanger.En résumé : le Folks-Blues festival de Binic c’est trop cool, faut y retourner.
Punching Joe & Hanemone
Quelques vidéos de ces trois jours trouvées sur YouTube :

Johnny Walker
"this goes for all pretty french girls, you know who you are"

Mark "Porkchop" Holder

Left Lane Cruiser


Medley du Samedi