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dimanche 24 juillet 2011

Marc Bolan, T-Rex : Born to Boogie

(réalisé par Ringo Starr, 1972)

Some people like to rock
Some people like to roll
But movin’ and a-groovin’s gonna satisfy my soul

Que se soit clair, si vous n’aimez ni la sublime extravagance des 70’s,  ni vous déhancher en chantant très fort et très faux les tubes ravageurs de T-Rex, ni même la bouille on ne peut plus sexy de Marc Bolan, alors ne vous lancez pas dans Born To Boogie car il n’est question que de ça !

Marc Bolan, après une brève carrière de mannequin, quelques singles solo et un essai avec le groupe John’s Children, fonde le duo Tyrannosaurus Rex avec Steve Peregrin Took en 1968. Admiratif de Bob Dylan, dont il tire son nom de scène (son vrai nom étant Mark Feld), il compose des morceaux folks aux textes poétiques, inspirés par l’univers féérique des écrits de Tolkien. Il rencontre alors un succès mineur. Mais Bolan voit plus grand et rêve de devenir une véritable rock star à la Presley, à la Chuck Berry, à la manière de tous les pionniers de la musique rock auxquels il voue un véritable culte. En 1970, il décide de passer à l’électrique et Tyrannosorus Rex devient le plus clinquant T-Rex. Il s’entoure de Mickey Finn, à qui il avait déjà donné la place de Steve Peregrin Took depuis un an, du bassite Steve Currie et du batteur Bill Legend. L’album T-Rex marque le début de l’ère électrique du groupe, un an avant le succès du fabuleux Electric Warrior.

Marc Bolan et Mickey Finn, 1972 (Keith Morris)

Et c’est donc en 1971, en pleine "T-Rextasy" que Marc Bolan, personnalité à tendance mégalomane, songe à faire de lui-même et de son groupe dont il est si fier, le sujet d’un film. Il entraîne  le beatle Ringo Starr avec lui qui accepte de produire le projet avec sa maison Apple Film Production.

L’idée du documentaire est d’intercaler des séquences de live tournées lors de deux concerts à Wembley en 1972, avec des scènes surréalistes dans lesquelles apparaissent, entre autres, Bolan et le groupe. Le film comporte aussi une scène de bêtisier directement intégrée dans le montage final et des séquences tournées en studio avec Sir Elton John, où tous sont déguisés ou maquillés et jouent entourés d’animaux empaillés.

A la fois influencés par le surréalisme ambiant des seventies et le baroque des films de Fellini dont ils sont fans, Marc Bolan et Ringo Starr décident donc d’entrecouper le documentaire de certaines séquences à caractère absurde qui, on peut le dire, ne sont rien d’autre que du grand n’importe quoi ! Pour vous donnez une idée, la toute première scène bizaroïde du genre consiste en l’arrivée au loin d’une cadillac, roulant sur une piste d’attérissage, avec à son bord, Bolan coiffé d’un haut de forme façon Chapelier Fou et Ringo Starr sous un costume de souris. Une fois la voiture à l’arrêt, un téléphone sonne, Bolan décroche, part dans un dialogue qui n’a absolument aucun sens tandis que la souris géante se met à couiner, et qu’au loin derrière, un Marc Bolan en carton se déplace dans l’herbe. La scène atteint le paroxysme du non sens quand soudain un nain en cape de super héros apparaît. Bolan le frappe avec une tapette à mouche et alors pour se venger il se jette comme un demeuré sur le rétro de la cadillac et se met à s’empiffrer du dit rétro qui s’avère être en chocolat. N’importe quoi je vous dis. Et ce n’est pas tout, je vous laisse découvrir par vous-même la scène de tea party en plein air avec la nonne travestie, ses bombasses de consœurs et un major dom moitié fou.

Ringo Starr et Marc Bolan sur le tournage de Born To Boogie

Mais rassurez-vous, ces scènes un peu déroutantes, bien qu’amusantes, ne constituent pas la majeure partie de Born to Boogie. L’intérêt du film reste les images des deux concerts à Wembley. Ringo Starr et son équipe, avec leurs cinq caméras et l’enregistrement live sur seize pistes ont réussi à en retranscrire l’ambiance complètement survoltée. De vrais shows au sens le plus significatif du terme. Non pas que le groupe s’était entouré de décors ou d’accessoires qui en foutaient plein la vue, pas besoin. L’attitude scénique de Bolan, en perpétuelle démonstration, accompagné du sautillant Mickey Finn, suffisait à combler l’œil et à aliéner le public ; et puis, la solide et irrésistible session rythmique formée par Steve Currie et Bill Legend ne pouvait qu’électriser la foule et la faire se déchaîner. Les nombreux plans sur les fans du premier rang en sont la preuve : aucun qui n’est pas en transe. T-Rex souffre d’ailleurs un peu du syndrome hystérie propre au Beatles : parfois l’intensité des hurlements des groupies arrive à couvrir la musique, surtout sur les ballades acoustiques comme la sublime "Cosmic Dancer". Et Bolan ne fait rien pour que ça s’arrête, au contraire, il ne peut pas s’empêcher de faire ses habituelles mimiques et gémissements suggestifs qui ne font que doubler le volume sonore des cris des filles. C’est que le chanteur a furieusement tendance à l’outrance et aussi très certainement à l’adoration de lui-même (il porte un t-shirt à sa propre effigie), je conçois parfaitement que ça puisse énerver.

D’ailleurs je conçois aussi que tout ce truc Glam Rock à paillettes peut vous sembler un peu ringard. Et pourtant je ne crois pas que Born to Boogie puisse n’intéresser que les fans de mon espèce. Non vraiment. Parce que s’il y a bien une chose qui ne pourra jamais, mais alors jamais perdre de son éclat, c’est le son de T-Rex. Un son jouissif et efficace. Oui pour moi, T-Rex c’est tout simplement ça : de la joie dans ce qu’elle a de plus primaire. Ne me dîtes pas que vous pouvez rester assis, complètement immobiles en écoutant les riffs chantant et le rythme bondissant de "Get it on (bang a gong)", de "Hot Love", de "Jeepster", de "Telegram Sam"…c’est tout bonnement impossible ! Même les roadies qu’on aperçoit sur les côtés de la scène ne peuvent s’empêcher de chanter et de se dandiner.


Sur le dvd du film, sorti en 2006, on trouve un documentaire complémentaire avec encore plus de ces séquences live. Rolan Bolan, le fils que Marc Bolan a eu avec la chanteuse Gloria Jones, est aussi filmé dans des entretiens avec des proches de son père (le survivant du groupe Bill Legend, le producteur Tony Visconti, le photographe Keith Morris…) qui racontent l’histoire de Born to Boogie, et plus généralement celle du chanteur mort prématurément en 1977, dans un accident de voiture, un mois après le décès du King. Tous s’accordent sur le professionnalisme de Marc Bolan et à la fois sur son envie irrépressible de s’amuser, de jouir de tout, tout le temps. Tous insistent sur cette vraie générosité d’artiste qui, même pour un ingénieur du son et trois amis en studio, se donne comme s’il était face à deux mille personnes. Un sens inné de la scène, du spectacle. C'est l'image de Bolan qui demeure : celle d’une vraie rock star comme on n’en voit plus, une figure éblouissante, arrogante, sans limite dans l’amour de sa réussite et du son parfait, toujours prête à en faire plus pour briller encore.
Hanemone

"Jeepster", live Wembley 1972


Scène bêtisier


"Telegram Sam", live Wembley


"Children of the Revolution", en studio avec Elton John

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