Caverne d’Ali Baba ou boîte de Pandore, le web demeure un espace de diffusion complexe pour la musique. Là où les groupes fourmillent, combien de trucs sympas pour une vraie claque sonique qui nous accompagnera pendant des années ? Loin de moi pourtant l’idée de jouer au grincheux qui n’a pour raison de vivre que les "groupes qui comptent", car je ne cracherai jamais sur "un bon petit groupe", aussi éphémère soit-il. En fait ce qui m’interroge le plus dans la profusion de nouvelles formations c’est leur capacité à étonner. Comme moi, ils font partie de cette génération internet ayant acquis une culture musicale en farfouillant dans ces immenses archives de la musique, tout d’un coup disponibles à portée de clic. Rien de plus facile désormais, avec une petite étincelle de passion, que de devenir un érudit, un esthète en herbe. Le problème est que quand j’écoute tous ces groupes à la culture musicale de plus en plus pointue, justement, je n’entends que celle-ci. Un bien pour un mal en quelque sorte car, si la musique s’est toujours construite sur son passé, j’ai l’impression qu'à l'heure actuelle, plus que jamais, elle croule sous les références. Or, j’attends souvent autre chose de la musique qu’un étalage de ces dernières, aussi flatteuses et brillamment exécutées soient-elles. De là à dire que certains musiciens d’aujourd’hui seraient trop cultivés pour émouvoir…peut-être. En tout cas je comprends mieux pourquoi j’aime tant des Tim Cohen, Growlers ou autres Eddy Current Suppression Ring, qui transcendent selon moi toute filiation. Et c’est pourquoi également je suis assez fasciné par Moondawg Jones, dont la musique sulfureuse et intrigante titille autre chose que ma, certes modeste, banque de données.
Le clip de "Duncing"
Il est pourtant difficile d’arrivée jusqu’à lui puisque Moondawg Jones reste tranquillement tapi dans les abysses du web. Une page bandcamp sans trop d’informations, une seule vidéo sur youtube (voir ci-dessus), un tumblr et une petite poignée de « likes » sur facebook, c’est presque un fantôme. En creusant un peu, on apprend que Moondawg Jones est le projet de Joseph Still, apparemment vendeur de sandwichs à Springfield (Missouri) et membre de Ghost Dance et Chris Gnarly. De plus, il n’a aucune sortie physique pour l’instant mais sa page bandcamp (où tout est gratuit) est heureusement bien remplie. On y trouve notamment The Ascension Of, un enregistrement de onze titres qu’il a mis en ligne courant novembre 2012.
Sur la forme, le disque est dans l’air du temps, et de prime abord Moondawg Jones ne fait que du garage-punk-noise ultra lo-fi. Mais c’est dans l’exécution que quelque chose se passe. Je ne sais pas ce qu’il avait à expier mais il met ses tripes sur la bande avec une sincérité saisissante. Dès "Winchusay" l’ambiance est pesante et une guitare écorchée fait face aux cris plaintifs d’un refrain terrifiant. The Ascension Of touche ainsi à une intimité rare, Moondawg Jones nous invitant dans sa chambre lugubre où des fantômes tourmentés interfèrent avec sa musique possédée. Des chansons hantées donc, pour un disque qui atteint parfois des sommets d’angoisse, le genre de choses qu’on avait plus entendues depuis les Warlocks ou Jay Reatard. Pour rentrer dans le détail, The Ascension Of, bien que dense, est assez varié, entre pop vénéneuse ("Vunder", "Dick Trickle") et punk-noise décadent ("Zimmy", "Winchusay"). Il possède aussi quelques fulgurances mémorables comme "Duncing" et "Majic" qui vous pourchasseront jusque dans vos rêves.
Terré dans son coin, Moondawg Jones cristallise sur ce disque une énergie primaire qui fascine et obsède. Il ne cherche pas le vrai son, le bon goût, et toutes ces notions aux résonances plus religieuses que musicales, qui essayent de nous faire croire en l’existence de chapelles immuables et nous font perdre de vue l’essentiel frisson. C’est pour cela que sa musique dégage une fraîcheur vivifiante et exorcisante qu’il convient de s’imprégner sans modération.
Punching Joe
The Ascension of en écoute intégrale ci-dessous et en téléchargement gratuit sur la page bandcamp de Moondawg Jones, ainsi que tous ses autres enregistrements.
Chouette papier, je vais écouter ça
RépondreSupprimermerci !
SupprimerOuaip, internet tralala, mais pour aller pêcher des groupes comme celui-là y'a pas grand monde non plus (comptez pas sur moi par exemple). Bien défriché donc, d'autant que c'est vrai que c'est très bien...
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