Club Med sucks
A l’aube des années 80, à Santa Cruz, une bande d’étudiants un peu perchés monte un groupe au nom qui en dit déjà long sur leur état d’esprit : Camper Van Beethoven…soit le mélange entre ce bon vieux Ludwig Van et un camping-car, en VO. La rigolade ne s’arrête pas là, puisque David Lowery et ses gars décident de jouer avec des instruments qu’ils connaissent peu, histoire d’apporter de la fraîcheur à leur son (par exemple Jonathan Segel troque sa guitare contre un violon). Et question fraîcheur ils s’y connaissent, il suffit d’écouter quelques secondes de leur premier album Telephone free landslide victory (1985) pour être convaincu de leur originalité.
Alors que les Sonic Youth posent les bases du rock-indépendant dans le chaos et le bruit, Camper Van Beethoven préfère explorer l’aspect fun et détendu de ce genre bâtard, encore balbutiant, qui illuminera les années 80 et 90. Ils n’hésitent pas à mélanger des mélodies folk ou punk connes comme la lune, avec un tas de musiques du monde, allant du calypso au folklore russe en passant par les Balkans ou le ska. Le tout est lié par un sens de l’amusement communicatif, notamment à travers des délires dadaïstes dans les paroles ("Mao reminices about days in southern China" pour ne citer qu’un exemple). Ces sonorités originales, David Lowery les a sans doute ramenées de ses nombreux voyages effectués à travers le monde, lorsqu’il suivait les mutations de son père militaire. Pourtant Lowery refuse, et encore aujourd’hui, de se laisser enfermer dans les codes esthétiques du rock éclectique qui consisteraient à "sauter et gueuler sur scène, comme ces horribles groupes, genre Gogol Bordello". Ainsi ils n’étudient pas en détails ces musiques, mais tentent plutôt de les ré-imaginer à partir de souvenirs. Une approche personnelle toujours juste, qui peut faire penser à la démarche des Pogues de l’édenté Shane MacGowan.
Telephone free lanslide victory se compose de 17 chansons et alterne plages instrumentales et tubes imparables. On reste ainsi coi devant l’incroyable variété de ce premier disque. "The day that Lassie went to the moon" et sa sensibilité beuglarde se grave instantanément dans notre tête, tout comme "Take the skinheads bowling", LE tube du groupe (popularisé par la reprise de Teenage Fanclub, utilisée dans le film Bowling for Colombine). On retrouve beaucoup d’éléments constitutifs du rock-indé qui feront la renommée de groupes comme Guided by Voices ou Pavement (un chant bancal mais décomplexé, des guitares instinctives et un sens inné du refrain). Un autre point fort du disque c’est bien sûr le violon troubadouresque de Jonathan Segel qui enrichit aussi bien les chansons pop ("Where the Hell is Bill" ou la fabuleuse "I don’t see you") que les instrus ("Payed vacations : Greece" ou "Vladivostock", deux chansons qui donne furieusement envie de se faire une tartine de houmous et de se jeter une vodka) avec ses geignements enjoués. Bien que construit comme une compilation, l’album brille par sa fluidité et ce malgré des changements de tempo quasi constants. Au final on ne voit presque pas passer ces 17 chansons et on n’hésite pas en appuyer sur la touche replay.
Camper Van Beethoven ouvre une boite de Pandore pour le rock indépendant. Ils continueront pendant une dizaine d’années (avant de se reformer au XXIème siècle) à explorer diverses musiques comme la country ou le noise-rock, toujours mus par ce même désir de liberté, l’envie de ne répondre à aucune mode et de s’amuser. Ce Telephone free landslide victory est en fait l’album idéal pour tout amoureux de rock fougueux et faussement je m’en foutiste.
Punching Joe
"The day that Lassie went to the moon"
"take the skinheads bowling" live
"I don't see you"
Album en écoute ici