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dimanche 5 juin 2011

Better than something : Jay Reatard

(réalisé par Alex Hammond et Ian Markiewicz, 2011)

James Lee Lindsey Jr. (Aka Jay Reatard) est mort en janvier 2010 à 29 ans, dans son pieu, à Memphis, les narines bardées de coke. Pas très original pour un rockeur… Il aura passé la moitié de sa courte vie à beugler et à torturer sa flying V sur scène. 15 ans de bastons, de concerts mythiques et de chansons lumineuses, que ce soit en solo ou avec ses différents groupes (The Reatards, The Lost Sounds ou Angry Angles). Compositeur hyperactif de génie, faisant s’accoupler le garage-punk le plus primitif avec l’évidence de la pop, Jay Reatard est désormais au cœur d’un documentaire.
L’histoire de ce film est un peu particulière. Alex Hammond et Ian Markiewicz ont commencé à suivre le garçon en Avril 2009 (soit quelques mois avant sa mort) dans sa ville de Memphis. Le résultat des entretiens qu’ils ont obtenus a été monté sur un mini-documentaire de 20 minutes : Waiting for Something. Mais la mort brutale de Reatard leur a donné l’envie de construire un documentaire plus long (1h30), toujours axé sur ces images et complété par les témoignages de ceux qui l’ont connu.
Better than something n’est pas encore sorti en salle. Il a commencé à être diffusé en avril dernier à l’International film & music Festival de Memphis et au Film festival de Nashville. Il a débarqué en France le 2 juin dernier pour une séance exceptionnelle au Festival Filmer la musique de la Gaité Lyrique à Paris. On pouvait craindre le film post-mortem bien pathos, sous forme d’hommage lourdingue, mais heureusement les deux réalisateurs livrent un portrait plutôt sobre et touchant. Le documentaire, bien que ponctué de séquences musicales bien rock’n’roll, ne tombe jamais dans le travers du film pseudo-déglingué finit au vomis et au sang.



« C’est vrai que je suis un branleur. C’est ma philosophie, je préfère être moyen dans cent trucs que d’être bon dans un seul…d’ailleurs la pluparts des spécialistes doivent trouver que je sais à peine jouer de la guitare. Ca me va très bien ! »

On découvre un garçon fragile et brillant, en contraste avec l’attitude provocatrice qu’il adopte volontiers sur scène. On passe des anecdotes de castagnes débiles (souvent très drôles) à des moments de réflexions lucides et touchants. Issu d’une famille pauvre vivant dans une banlieue glauque de Memphis, Jay a très tôt dû se démerder tout seul. N’allant plus à l’école dès le début de l’adolescence il préfère rester chez lui à composer et à s’occuper de sa petite sœur, et ce, même si des crackés vivent dans la maison mitoyenne. Il nourrit alors une certaine colère intérieure (un terme récurrent dans le film) qu’il ne cessera d’extérioriser sur scène.

 “All is lost there is no hope / All is lost you can’t go out / All is lost there is no hope for me”
"Ain’t gonna save", album Watch me Fall, 2009.

C’est d’ailleurs cette partie du film qui est la plus intéressante, lorsque Jay déambule dans les quartiers de son enfance (dont le Sherwood Forest et sa Friar Tuck Avenue !) et parle de ses conditions de vie. Le propos devient alors presque sociologique. On découvre une cité morne et agonisante, empêtrée dans le chômage et le crack. Jay n’aime pas beaucoup sa ville, pour lui « Elvis c’est comme Disneyland pour un mec d’Anaheim » ça n’a aucun intérêt. Mais il sait pourtant qu’elle l’a façonné. Il lui doit beaucoup et notamment son talent. Alors il reste fidèle. Il n’a de toute façon pas envie d’ailleurs.
Les témoignages des gens qui l’entourent constituent l’autre versant du documentaire (dont Alicja Trout des Lost Sounds, Eric Friedl des Oblivians ou Andrea Lyle, une journaliste). Ils permettent d’en apprendre beaucoup sur la personnalité complexe de Jay. On regrette un peu la fin du film, assez longue, qui a tendance à verser dans le larmoyant lorsqu'on rencontre la famille du défunt. Sa mère, notamment, qui nous sert un discours bien rodé, racontant des anecdotes banales noyées dans une exagération à l’américaine.
Mais rien de très grave comparé à la qualité globale de ce film qui sait se montrer à la fois profond et léger. Jay Reatard n’y est pas érigé en idole au destin tragique. Au contraire on le voit sous le trait d’un jeune gars presque comme les autres, qui a fait exploser son talent de manière trop brutale. Il était à des kilomètres de toutes postures de héros du rock’n’roll. D’ailleurs il détestait les rock-star et selon les dires de certains proches il commençait déjà à s’imaginer une vie pépère de producteur. Au final nous aussi on ressort en colère de la séance ; en colère contre lui, d’être mort si bêtement.


Punching Joe                                                                                                                      
La bande annonce :

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