En réalisant Le petit Dickie illustré, Glénat a eu la très bonne idée de regrouper en un seul volume la quasi-intégralité des folles aventures de Dickie, ce petit fermier belge aux traits rudimentaires, symbole d’un humour noir et irrévérencieux depuis maintenant plus de 10 ans. Ici sont compilées toutes ses apparitions depuis 2001, que ce soit dans des revues comme Ferraille et Fluide Glacial ou dans ses publications chez les Requins Marteaux (Dickie 1, 2 et 3). Seuls les deux albums parus chez Glénat sont absents (Dickie à Hollywood et Le fils d’Hitler).
Pieter de Poortere a crée Dickie (Boerke en VO) au début des années 2000 alors que des scandales agro-alimentaires frappaient le milieu paysan belge. A la base, Dickie est donc un fermier rondouillard et moustachu, une sorte de croisement bizarre entre Mario et un playmobil. Ses traits de caractère ? Peu expressif, complètement silencieux (c’est une bd muette), lubrique, mais surtout poissard comme pas deux. Dans la plupart des planches des débuts, Dickie finit soit mort, soit sérieusement blessé, soit dans un état de profonde dépression. Sur les neuf cases qui composent chaque sketch, Pieter de Poortere apporte toujours un soin particulier à la dernière, créant des chutes aussi drôles qu’intelligentes. Admiratif de Chris Ware (Jimmy Corrigan, Acme) et de ces personnages taciturnes, il donne à Dickie une dimension profondément mélancolique, qu’il nuance néanmoins avec un humour millimétré. Ne vous attendez pas à rire à gorge déployée. Le rire provoqué par la lecture de Dickie est très intérieur, mi-gras, mi-gêné, mais d’une subtilité à rebours complètement exquise, aussi bien à travers les petites horreurs quotidiennes de Dickie dans sa ferme que dans ses préoccupations géopolitiques (CF le running gag de Dickie qui essaye d’aider l’Afrique).
Plus les années vont passer et plus Dickie va devenir un personnage universel. Dans Dickie 3 par exemple, l’auteur extrait son petit paysan de la campagne belge pour lui faire réécrire l’histoire de l’humanité. Tout y passe, des hommes des cavernes cruels à la seconde guerre mondiale, en passant par les croisades ou la genèse de Mona Lisa. Et encore une fois Dickie fait un doigt d’honneur ferme (malgré ses petits doigts potelés) au politiquement correct et à la bien-pensance. Une liberté de ton rafraichissante, en dehors de toute pose, qui permet à Pieter de Poortere de diffuser une critique acide de la société actuelle (surtout dans les planches récentes), faisant de Dickie le symbole d’une humanité paumée et dégénérée, mais toujours touchante.
A noter que l’auteur a eu pitié de la solitude de ce pauvre Dickie et il lui a créé un alter-ego féminin, Vickie (Vuurke en VO, ce qui signifie petite pute), prostituée au rabais qui vient remplir avec parcimonie quelques planches. Le livre contient également de belles doubles pages dessinées dans lesquelles il s’agit de retrouver Dickie sur le même principe que « Où est Charlie ».
Punching Joe
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