Alors qu’on trouvait déjà indécente la qualité des albums des groupes venant de San Francisco, fallait-il vraiment pousser le bouchon jusqu’à faire des collaborations ? Apparemment oui. Sur Hair, c’est deux des meilleurs songwriters de la baie qui font mumuse ensemble. D’un côté Ty Segall, le prince du garage, qui au fil des albums se montre capable d’à peu près tout. De l’autre Tim Presley, aka White Fence. Moins célébré il est pourtant celui dont les compos sont les plus singulières, une sorte de Syd Barrett en vans.
Sur les 8 chansons, 3 sont signés Presley, 2 Segall et les 3 autres sont écrites à deux. L’album n’en est pas pour autant décousu, car les protagonistes ont trouvé la formule magique pour mêler habilement leurs deux styles et arriver au final à créer un grand album de rock’n’roll, à la fois solide, barré et virevoltant.
Segall et Presley n’ont bien sûr pas bridé leurs écritures respectives. Sur la nonchalante "Easy Rider", la construction et la progression sont purement segallienne, mais Presley n’hésite pas à venir poser sa guitare malicieuse. Tandis que sur la non moins succulente "The Black Glove/Rag" on reconnait le jeu délicat et chancelant de White Fence auquel Ty apporte sa puissance dans le final.
"Time", superbe vidéo réalisée à l'occasion de la sortie du disque
Les piliers du disque restent les pistes écrites à deux, comme "Time", qui ouvre l’album et met les pieds dans le plat, cash. La chanson, portée par une mélodie aérienne à tomber par terre, se finit dans un gros trip heavy/psyché en guise de mise au point : on est ici, avant tout, pour s’éclater. Une rampe de lancement qu’utilise parfaitement "I’m not a game" (composée par Presley) où les guitares s’enchevêtrent, se battent et finissent en lambeaux. C’est ensuite à l’heure de conclure que le duo se retrouve avec "Scissor People" et "Tongues". Sur la première ils se la jouent sérieux pendant une minute avant de courir s’éclater en récré à base de solo post-it, d'une progression vicelarde, et de rythmes en montagnes russes. "Tongues" termine le boulot, et nous par la même occasion, avec le même esprit, s’affranchissant assez vite de la chanson pour laisser parler la fougue.
A me lire on croirait presque que l’album repose essentiellement sur ce couple. Mais il serait injuste de ne pas mentionner la section rythmique, flamboyante et largement à la hauteur de l’événement. Et notamment le bassiste, qui n’est autre que Mikal Cronin, pote d’enfance de Segall et auteur d’un bon album à l’automne dernier. N’est-ce pas d’ailleurs lui qui lance l’infernale machine sur "Time", avec quelques notes qui semblent tomber du ciel ?
Malgré une composition à deux têtes et pas mal de déviances, ce Hair est finalement un album très cohérent. L’explication est simple : aussi uniques soient-ils, Ty Segall et Tim Presley se sont réunis avec une même envie, élémentaire, faire du rock’n’roll. Et grâce à leur immense talent et à une insouciance adolescente jamais bridée, les deux compères lâchent une pépite instantanée, un joyau à la brillance kaléidoscopique.
Punching Joe
"I'am not a game", lors des même sessions (solo de télé quoi !)
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