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lundi 23 avril 2012

Animal Collective, Spirit they’re gone, spirit they’ve vanished



J’ai cherché mais je n’ai pas trouvé. Non, Animal Collective n’a jamais était si beau que dans ce Spirit they’re gone, spirit they’ve vanished, leur premier album sorti en 2000.

Pourtant l’accueil, tout en dithyrambes, qu’a reçu Merriweather Post Pavilion, leur dernier disque à ce jour (2009), aurait pu nous faire croire qu’on tenait là le sommet de leur discographie (10 LPs à ce jour). On parlait même de sauveurs de la pop moderne, de quintessence de la création musicale 2.0. Et pour tout vous avouer, je n’étais pas loin de penser ce genre de conneries. Pourtant, après 3 ans de maturation je suis revenu sur mon jugement : Merriweather Post Pavilion est certes un bon album mais il manque parfois de relief, pour ne pas dire d’âme. Et si, par ailleurs, j’ai beaucoup d’affection pour  Feels ou Strawberry Jams, je ne peux pas m’empêcher de penser que le groupe n’atteindra jamais ce qui a été accompli sur Spirit they’re gone, spirit they’ve vanished.

Enfin, le groupe, c’est vite dit, puisqu’à l’époque Animal Collective n’est pas un quatuor mais le projet d’un seul homme, David Portner (aka Avey Tare) compositeur et chanteur, qui pour l’occasion s’est adjoint les services Noah Lennox (aka Panda Bear), venu apporter ses folles percussions. Autoproduit sur leur label Animal (futur Paw Tracks), le disque a fait l’objet d’une réédition Cd chez Fat Cat, accompagné de deuxième opus du groupe, l’obscure Danse Manatee

Spirit they’re gone, spirit they’ve vanished n’est pas seulement l’album du commencement d’un groupe; ici les enjeux sont plus grands. Il semble même au contraire être une conclusion. La conclusion de l’enfance, que les vieux ados Avey Tare et Panda Bear mettent en musique dans une chambre lugubre. Pour cela le duo de Brooklyn malmène la pop en 11 chansons insouciances, noires et totalement fascinantes. Avey Tare étale ses tripes fraîches sur bande et entame une descente abrupte dans les tréfonds de son esprit. Jusqu’à un point de non retour, comme le répète cet enregistrement d’une voix d’enfant qui clôt la traversée : « My singin’ voice is gone, my singin’ voice is gone ».

Chocolate Girl

Mais avant d’en arriver là, l’auditeur doit se frayer un chemin au travers des ronces. Animal Collective crée son propre langage musical qui, s’il n’est pas complètement original (on aperçoit les silhouettes fantomatiques de Sonic Boom , Syd Barrett, Stephen Malkmus et bien sûr Robert Wyatt), déconcerte par sa liberté et son souffle acide. "Spirit they’ve vanished" ouvre l’oeuvre sur 5 minutes de bidouillages dronesque, d’où s’échappe une voix venue de l’au-delà. S’en suit "April and the Phantom" et son intro qui préfigure presque le Glitch (art visuel et/ou sonore qui met le bug au centre de la création), puis "Untitled" avec sa douce mélodie de piano étouffée par des interférences presque insupportables. Mais une fois ses limbes traversées, une lumière perce l’obscurité maladive. "Penny Dreadfuls" d’abord, écrite à 16 ans par Avey Tare, est une sublime balade déglinguée au piano, d’une simplicité et d’une justesse aberrante. "Chocolate Girls" enchaîne et monte encore le niveau. Chanson la plus rigoureuse formellement, elle voit pourtant deux musiciens s’en donner à cœur joie. Tare pose sa voix hantée par paroles inquiétantes sur des synthés directement sortis de Rock Bottom, tandis que Panda Bear martèle avec frénésie sa batterie poussiéreuse. A partir de là, impossible de décrocher. "Bat you’ll fly" fait une excursion magique dans le futur du groupe et "Someday I'll Grow To Be As Tall As The Giant" nous fait voir les étoiles avec sa ritournelle naïve. 

Mais il semble encore manquer quelque chose pour lier tout ça, une étincelle. Elle arrive enfin avec "Alvin Row", monument de plus de 12 minutes qui synthétise toutes les idées avancées précédemment. L’écriture est limpide, à la fois zigzagante et complètement évidente. Les rythmiques, les bidouillages, sont insensés, venant travailler sur l’os les couches de piano et de guitare acoustique. Tout est là, et ne sera jamais dépassé par la suite.

Alvin Row

En composant ce Spirit they’re gone, spirit they’ve vanished, Animal Collective joue avec des sentiments enfouis, que l’on aurait jamais cru voir réapparaitre un jour. A l’aube du nouveau millénaire, ces conteurs pop indolents anticipent l’arrivée massive du mp3 et compressent sans retenue la musique qui a bercé leur enfance. La venue de nouveaux membres emmènera le groupe vers d’autres galaxies, pas complètement éloignées de cette chambre, mais où la mélancolie ne sera jamais aussi belle et prenante.

Punching Joe

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