barre onglet

mardi 21 février 2012

Marcel Storr au Pavillon Carré de Baudoin

" Vous savez, je suis un génie ! "


Un peu d’art brut au programme aujourd’hui grâce à l’expo vraiment cool, "Marcel Storr bâtisseur visionnaire", qu’on a vue au Pavillon Carré de Baudouin et qui joue les prolongations.
Le Pavillon Carré de Baudouin se situe dans le 20ème arrondissement de Paris, au croisement de la rue de Ménilmontant et de la rue des Pyrénées. L’endroit qui fut un haut lieu de fêtes au XVIIIème est ensuite repris par des bonnes sœurs pour y dorloter des orphelins avant d’être finalement, en 2003, racheté par la ville de Paris. Le lieu est entièrement géré par la mairie du 20ème et propose des expositions, toutes gratuites, mais aussi des conférences, des bureaux à usage des associations etc.

Depuis décembre, ce chouette endroit nous révèle l’œuvre fascinante de Marcel Storr, dessinateur rattaché au courant de l’art brut. Mort il y a plus de trente ans, l’artiste a mené son projet avec acharnement, de manière clandestine, jusqu’à ce qu’un couple d’amateurs d’art le découvre en 1971, quelques années avant sa disparition. Enfant abandonné, il avait été placé par l’assistance publique dans diverses familles où il était bien souvent battu. Illettré, devenu sourd, Marcel Storr était simple balayeur au bois de Boulogne.

Son œuvre représente exclusivement des constructions à l’architecture foisonnante et monumentale. L’exposition suit un parcours chronologique et révèle ainsi, de manière saisissante, la montée en puissance de son style.
On démarre au rez-de-chaussée par quelques façades d’églises et de cathédrales, dessinées avec une forme de rigueur réaliste, un souci de retranscrire les détails. Déjà une recherche sur les couleurs s’amorce avec l’utilisation de tons plutôt vifs et fantasques.

©Walking With The Beast

Puis son travail d’après guerre, un ensemble de grands polyptyques représentant d’immenses tours, annonce la mise en route d’une imagination bien plus vaste et ambitieuse.

©Walking With The Beast

En effet, à l’étage, on découvre ensuite une autre série de façades d’églises et de cathédrales dans laquelle le dessinateur semble s’affranchir des lois étouffantes du réel, tout en conservant l’obsession de la minutie des éléments, obsession qui ne le quittera jamais. Les monuments qu’il nous donne à voir, plus extravagants, revêtent des allures inattendues comme par exemple des formes végétales se fondant à l’environnement. On remarque aussi la sublime attention portée aux ciels dont les couleurs semblent directement émanées des bâtiments.

©Walking With The Beast


©Walking With The Beast

C’est avec ses derniers dessins que l’artiste acquiert une liberté totale. Les monuments religieux cessent d’être l’unique modèle et le point de vue frontal fait place à une vision aérienne. L’artiste imagine plusieurs mégalopoles aux aménagements les plus fous et devient l’architecte d’un monde à part. Si Marcel Storr fait preuve ici d’une certaine vision futuriste, celle-ci n’en est pas moins poétique, à l’image de certains détails attendrissants comme ces bateaux à voile qui s’immiscent parmi les buildings géants. On constate l’incroyable talent de coloriste dont Storr était pourvu avec des teintes multiples, toujours plus inventives.

©Walking With The Beast

L’exposition nous permet de lire, entre autres, des commentaires de celui qui découvrit l’artiste avec sa femme, Bertrand Kempf, mais aussi les mots du dessinateur lui-même, ceux qu’il confia au couple et aussi à son psychiatre, lorsqu’il fut interné à la fin de sa vie à Ville-Evrard. L’artiste souffrait en effet de divers troubles dus à une existence majoritairement chaotique et misérable.
Il est également mis à la vue du public de vastes agrandissements de certaines parties des dessins qui, s’ils ne gâchent évidemment pas l’exposition, ne lui apportent rien, surtout lorsqu’on considère la qualité d’image logiquement peu élevée.

Ce qui frappe à travers l’œuvre de Marcel Storr c’est cette minutie maladive, maniaque, ces détails répétés encore et encore de manière vertigineuse. L’artiste, peu gâté par le monde réel, s’était confectionné une dimension parallèle en laquelle il avait véritablement foi. En parlant de ses bâtiments il disait : "on y naît, on y vit, on y meurt".

©Walking With The Beast

Ce qui me fascine vraiment chez Storr et dans l’art brut en général (je pense ici au bien aimé Henry Darger, père de l’épopée des Vivian Girls) c’est la dimension hallucinante que prend la création dans l’existence même du créateur. Une vraie obsession, une nécessité qui ne dépend d’absolument aucune reconnaissance, aucun encouragement. Marcel Storr, balayeur au bois de Boulogne, ignorant l’histoire de l’art et des savoirs, a porté son projet toute sa vie durant et ce dans l’indifférence totale, sans que cela constitue une entrave à sa poursuite. Comme une manière si singulière de porter sa croix. Quelle explication pouvait-il bien se donnait à lui-même de cette activité délirante ? Tout ça a quelque chose de mystérieux et même d’absolument mystique.

Je vous encourage donc vivement à vous rendre au Pavillon Carré de Baudoin pour élever votre âme à la hauteur des constructions exaltées de Storr. Vous avez de la chance, l’expo est prolongée jusqu’au 31 Mars.
Hanemone

Marcel Storr

3 commentaires:

  1. amusant j'ai cette même obsession pour l'art brut
    et cette exposition était en haut de ma liste des expos à voir

    j'ai vraiment très envie d'y aller!

    pour les Vivian Girls, un morceau de l’œuvre est visible en ce moment même dans une expo à la Halle St Pierre!

    RépondreSupprimer
  2. Oui j'ai aussi vu cette expo à la Halle St Pierre !
    Je ne peux que t'encourager à aller au Pavillon Carré de Baudouin je pense que tu ne seras pas déçu ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour l'idée d'expo, personnage remarquable en effet !

      Supprimer