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mardi 25 février 2014

Dusty Mush chez les dingos

Maxime Verret



Il y a presque un an, nous vous parlions des Dusty Mush ici même. À l’époque les fripouilles de Melun commençaient à peine à ramener leur fraise du côté de la capitale. Aujourd’hui le trio passe à la vitesse supérieure : leurs concerts sont désormais de vraies expériences hypnotiques et ils s’apprêtent à sortir leur première galette (après deux k7). Un EP chez Howlin’ Banana qui va servir de rampe de lancement pour le LP prévu au cours de l’année. Histoire de fêter dignement cette sortie, on leur a demandé de réaliser une playlist "les chansons pour se faire interner", sur le thème, vous l’aurez compris, de la folie, de la maladie mentale. Thème sur mesure, pour un groupe qui, au-delà des sonorités garage et punk, nous transmet une énergie indéniablement tourmentée et hallucinée. Voici ce qu’ils nous ont concocté :


Bienvenu dans notre programme d’aide à l’internement forcé. Toute résistance aux différentes phases du processus serait futile


Phase initiale : diffusion de fréquences produites par des patients présentant déjà un désordre mental prononcé.

Patient #1: GG Allin
Le patient semble être atteint du syndrome de la Tourette et de troubles mentaux complexes entraînant des périodes de nudité, d’automutilation et de déviance sexuelle.


Patient #2: Darby Crash
Chanteur du groupe The Germs. Incapacité à monter sur scène sans prise excessive de substances illicites afin de ne pas sentir les violences physiques reçues lors de ses prestations.


Patient #3: Nick Blinko
Leader du groupe Rudimentary Peni, hospitalisé pour trouble schizo-affectif.



Résultats de la phase initiale :
Vous semblez bien réagir au programme, les premiers signes apparaissent : hyperactivité, trouble de la répétition.





Phase intermédiaire : injection au patient de substances inconnues.

Substance #1 : Drogue électrique
Le sujet répond positivement à l’injection, ce dernier pense avoir un troisième œil.


Substance #2: Robitussin
Perte de cohérence du patient, il ne semble plus être en mesure de jouer correctement de la guitare de type électrique.



Résultats de la phase intermédiaire :
Vous semblez reconnaître votre folie naissante. Encourageant.





Phase finale : séances intensives d’électrochocs.

Séance #1: Fuzz hallucinée en intraveineuse.
Le patient prend peur. Augmentation de la dose. Acidité de la fuzz à son maximum.


Séance #2: Batterie sur-vitaminée.
Le sujet éprouve tour à tour excitation et sommeil profond.




Toutes mes félicitations, vous avez survécu au programme. Vous êtes prêt à être interné.

Profitez de votre nouvel état mental :


Propos recueillis par Punching Joe

dimanche 26 janvier 2014

Weed-Deserve


Après la décontraction de Purling Hiss et la pop musclée de Paws, on ouvre un nouveau volet dans l’exploration du revival nineties avec son versant punk, fièrement défendu par les Canadiens de Weed. 



Il semblerait que la ville de Vancouver soit une espèce de havre de paix pour la population slackers. Cette année on a notamment vu débarquer the Courtneys, trois filles bloquées en 1991, qui idolâtrent Keanu Reeves, MTV et le rock débraillé. On retrouve cette même esthétique "VHS et jeans troués" chez le quatuor Weed qui vient de sortir son premier LP, Deserve, chez Couple Skate Record. Ils osent même arborer un nom, aussi nul que génial, qui résume en quatre lettres l’état d’esprit d’une musique faite par des branleurs, pour des branleurs.

Si les Weed jouent aux petits malins, leur musique impressionne d’emblée avec "Heal", une chanson taillée dans l’acier qui dégueule des guitares fuzzées jusqu’à l’os. Les saintes chapelles indie-rock sont là (Mudhoney, Dinosaur Jr, Sebadoh, voire les Pixies) mais restent suffisamment en retrait pour éviter au groupe de tomber dans le simple exercice de style. On sent chez Weed une sorte de rage maladroite, tantôt débridée, tantôt précise, qui s’incarne dans des chansons puissantes et lourdes mais toujours un peu déglinguées, et même dispersées. "Set Me Back" galope vers l’inconnu, captant magnifiquement l’essence de cette musique qui réunit la pop et le rock’n’roll sans les soumettre à des schémas préétablis.


La première partie de ce Deverse est irréprochable et on peut encore retenir la noisy "Silent Partner" ou le mur punk "Gun Shy", sur lequel on vient buter avec un certain plaisir masochiste. Le reste de l’album est tout aussi bon, bien que moins percutant, ce qui confirme que le groupe semble plus à l’aise dans les cavalcades punk que dans l’indie-rock chaloupé. C’est d’ailleurs ce qu’on retient au final : un son énorme, avec le duo basse/batterie qui fait un chantier démesuré, laissant place à un rock qui ne s’embarrasse pas de détails mais qui garde tout de même son esprit joueur et insouciant.
Punching Joe

L'album s'écoute en intégralité ici.

vendredi 27 décembre 2013

Tomorrows Tulips-Experimental Jelly


Manifeste à la gloire de la paresse, Experimental Jelly aura bercé nos plus beaux moments de glande cette année. Dépourvu du moindre dynamisme, constamment à l’agonie, ce deuxième disque des Californiens Tomorrows Tulips a imposé petit à petit son romantisme déglingué, au point de devenir un indispensable disque de chevet.



Pour comprendre l’origine de ce romantisme illuminé, il convient de rappeler que Tomorows Tulips est le projet musical d’un certain Alex Knost, surfeur professionnel. Mais Alex Knost n’est pas de ces riders stéréotypés buveurs de redbull, loin de là. C’est un mec à l’ancienne, flottant les bras ballants sur sa longboard ; un mystique qui entretient un rapport presque religieux à l’océan, qu’il considère comme "une source d’illumination sur terre." Une philosophie de vie qui déteint forcément sur sa musique comme il le précise toujours dans la même interview : "Pour moi surfer et jouer de la musique sont des pratiques artistiques à mettre sur le même plan. C’est un peu comme être amoureux de deux filles en même temps."

Ces deux arts, il les aborde avec une décontraction presque indécente pour le commun des mortels. Mais la jalousie fait vite place à l’émerveillement quand on saisit la quiétude qu’il dégage et qui anime ce Experimental Jelly. Une sérénité ensoleillée qui prend pourtant place dans des pop-songs bordéliques, jouées au ralenti. Les premières écoutes du disque peuvent ainsi laisser dubitatif tant les repères manquent. Rappelons que Tomorrows Tulips fait dans la pop à trois accords, amatrice et lo-fi, pas accrocheuse pour un sou, encore moins efficace. Et si Alex Knost fait du surf de manière anachronique, la façon d'écouter sa musique l’est tout autant.


Experimental Jelly débute son voyage au cœur de la fatigue avec la magnifique "Flowers On The Wall", lancinante et traversée par des solos de guitare sans queue ni tête. Les influences sont à aller chercher chez des héros DIY comme Beat Happening ou Guided By Voices ("Dream Through", "A Waste"), parfois déclinées à la sauce californienne ("Vacation" ou "Wake Up", soit les Beach Boys sous sédatifs). La voix de Knost y est aussi pour beaucoup, épuisée et suppliante, non sans rappeler celle de Lou Reed comme sur "He Quits", monument de paresse avec son violoncelle ronronnant. Si l’on excepte la jam noisy "Misses Hash", l’album s’apparente à une collection de complaintes, recroquevillées sur elles-mêmes, qui trouvent leur beauté dans une constante instabilité. La fin d’Experimental Jelly est ainsi une chute libre : "Free" et "Mr. Sun" larguent définitivement les amarres, jouant une pop en perdition qui échoue finalement dans un rêve nommé "Internal Perm". Cette berceuse presque irréelle conclut parfaitement un disque sublime, car souvent insaisissable.
Punching Joe

Pour le plaisir (on appréciera à chaque fois la bande-son)



samedi 21 décembre 2013

Kevin Morby-Harlem River


C’est une bonne surprise de cette fin d’année, le New-Yorkais Kevin Morby livre son premier album solo, Harlem River, publié chez Woodsist. D’abord connu comme le bassiste de Woods, Kevin Morby a ensuite trusté le devant de la scène indie avec the Babies, groupe formé avec Cassie Ramone des Vivian Girls. Il y a un an les Babies sortaient d’ailleurs leur deuxième album Our House On The Hill où Kevin Morby s’affirmait un peu plus à travers des chansons à la mélancolie rock’n’roll irrésistible.



On est ainsi peu étonné de le voir se lancer en solitaire, armé d’un premier disque délicat et assez ambitieux. Il y a quelques semaines on croisait le chemin de Cassie Ramone à l’Espace B (elle aussi s’est lancée sous son propre nom), venue chantonner quelques unes de ses compositions, sympathiques mais un poil trop inoffensives. Kevin Morby évite lui l’écueil du gratouillage mignon en enrobant son Harlem River d’une production joliment travaillée. Les chansons  ne sont pas de simples ballades mais de belles pièces savamment pensées. "Harlem River" notamment qui, à l’aune d’un simple gimmick de guitare et d’une rythmique tâtonnante, déploie sur près de neuf minutes une ambiance lugubre. Le début de l’album est d’ailleurs parfait : "Miles, Miles, Miles" promène un arpège cristallin tout en pudeur, sur lequel la voix de Morby, d’une tristesse naturelle toujours bouleversante, plane sereinement. "Wild Side (On the Places You’ll Go)" est elle une des plus belles chansons entendues cette année, confirmant les talents de compositeur du New-Yorkais.

La suite du disque n’atteindra pas le niveau de ces trois premiers titres mais s’avère d’une qualité tout à fait respectable (si l’on excepte la plombante "Slow Train" en duo avec Cate Le Bon). Que ce soit dans un minimalisme folk ("If You Leave And If You Marry") ou dans la country western ("Reign"), Morby avance avec assurance. Si les chansons gardent cette fraîcheur qui caractérise son songwriting, on est assez loin de la spontanéité fougueuse du premier LP des Babies. L'écriture de Kevin Morby est aujourd'hui animée d’une sagesse tout aussi touchante, incarnée dans un Harlem River, lent et enchanteur, qui en fait un très beau disque de canapé.
Punching Joe

mardi 12 novembre 2013

Slumberland Records : premières années



Il y a longtemps nous vous parlions des recrues récentes de Slumberland comme Veronica Falls ou Big Troubles, pour constater que le label n’avait rien perdu de sa superbe. C’est justement cette superbe qui est à l’honneur dans ce billet ; ces sons qui ont bâti l’identité à la fois popeuse et bruitiste du label, et dont les petits nouveaux susnommés se sont joyeusement inspirés.
En 2009, Slumberland fêtait ses vingt années d’existence en concerts et certains anciens répondaient présents sur scène, comme Lorelei ou Henry’s Dress. Nous nous sommes plongés dans la discographie des premières années du label pour extraire douze merveilles, des morceaux de groupes phares et historiques comme Velocity Girl, et des pépites davantage oubliées comme celles de Jane Pow.
Longue vie à Slumberland !






1. Black Tambourine, Throw Aggi off the bridge (Complete Recordings, SLR, 1999)
2. Velocity Girl, Why should I be nice to you ? (My Forgotten Favorite, SLR, 1992)
3. Jane Pow, Shut Down (Warm Room, 1991)
4. Whorl, Maybe it’s better (Maybe It’s Better, SLR, 1992)
5. Rocketchip, I love you like the way I used to (A Certain Smile, A Certain Sadness, SLR, 1996) 
6. Lorelei, The bitter air (The Bitter Air, SLR, 1992)
7. The Ropers, Cool self (The Ropers, SLR, 1994)
8. Swirlies, Sarah Sitting (Didn’t Understand, SLR, 1992)
9. Henry’s Dress, Target Practice (Bust’Em Green, SLR, 1996)
10. Honeybunch, Mine your own business (Mine Your Own Business, SLR, 1992)
11. Stereolab, John cage bubblegum (John Cage Bubblegum, SLR, 1993)
12. Lilys, Elizabeth colour wheel (In The Presence Of Nothing, SLR, 1992)

Hanemone

mardi 29 octobre 2013

Introduction to Kelley Stoltz


Après trois albums chez Sub Pop, le résident de San Francisco Kelley Stoltz signe Double Exposure sur Third Man Records, label avec lequel il partage une même origine, le Michigan. Dans le circuit depuis près de 15 ans il n’en reste pas moins un éternel outsider, injustement méconnu de ce côté de l’Atlantique, alors que sa discographie regorge de grandes chansons pop. Multi-instrumentiste génial, orfèvre du son analogique et producteur inspiré (the Mantles, Sonny & the Sunsets…), il était là avant que la scène de San Francisco ne prenne la fière allure qu’on lui connaît aujourd’hui. Pour tous ces musiciens il reste d’ailleurs une figure tutélaire, souvent cité comme influence, notamment pour sa manière de penser la musique et de magnifier le Do It Yourself, gage de liberté créatrice. 

Grand fan du songwriting immatriculé années 60, de Brian Wilson aux Beatles, en passant par Syd Barrett, les Zombies ou Nick Drake, Kelley Stoltz en a gardé le savoir-faire dans l’approche de la pop-song, tout en mettant en avant sa sensibilité à travers des arrangements fouillés, remplis de bidouillages et de boucles étranges. 

Pour s’y retrouver dans cette discographie abondante, on a décidé de faire une playlist qui donne un large aperçu de sa carrière. Dès débuts lo-fi de The Past Was Faster (1999) et Antique Glow (2001) jusqu’au brillant Double Exposure (2013) en passant par la période Sub Pop (To Dreamers, Circular Sounds, Below the Branches) ou encore son album de reprises d’Echo & the Bunnymen, voici 12 chansons qui, on l’espère, serviront de porte d’entrée pour ceux peu familiers du monde merveilleux de Kelley Stoltz.





1-Popular Diseases (The Past Was Faster, Telegraph Compagny, 1999)
2-Vapour Trail (The Past Was Faster, Telegraph Compagny, 1999)
3-Underwater's Where The Action Is (Antique Glow, self-released, 2001)
4-The Sun Comes Through (Below the Branches, Sub Pop, 2006)
5-Prank Calls (Below the Branches, Sub Pop, 2006)
6-Stars Are Stars (Echo & the Bunnymen cover) (Crockodials, Beautiful Hapiness, 2006)
7-Your Reverie (Circular Sounds, Sub Pop, 2008)
8-I Nearly Lost My Mind (Circular Sounds, Sub Pop, 2008)
9-Pinecone (To Dreamers, Sub Pop, 2010)
10-I Remember, You Were Wild (To Dreamers, Sub Pop, 2010)
11-Marcy (Two Imaginary Girls, Les Disques Steak, 2012)
12-Kim Chee Taco Man (Double Exposure, Third Man, 2013)
13-Interview
Punching Joe

vendredi 18 octobre 2013

The Fresh & Onlys-Soothsayer EP


Au même titre que Thee Oh Sees et Ty Segall, les Fresh & Onlys étaient présents dans l’épicentre du séisme sonique survenu autour de la Baie de San Francisco. Pourtant ils se sont rapidement mis à l’écart de ce fracas, contrairement à leurs collègues qui, eux, plus que jamais, surfent sur le raz-de-marée rock’n’roll. Il est vrai que la troupe de Tim Cohen a toujours préféré les mélodies bien troussées aux riffs sanguinolents. Au point de signer l’an passé Long Slow Dance, un disque lorgnant clairement vers la pop 80s, édité par le label new-yorkais Mexican Summer, figure de proue de l’indie actuel. Et si l’album était encore une fois porté par un songwriting irréprochable et une classe à toute épreuve, il a définitivement expédié les Fresh & Onlys sur une autre orbite, puisqu’au même moment Ty Segall sortait l’explosif Slaughterhouse et Thee Oh Sees préparait le rutilant Floating Coffin. Quel avenir alors pour les Fresh & Onlys ? Vont-ils devenir un fabuleux groupe pop qui serait enfin récompensé pour son génie, ou au contraire une formation indie lambda, au son pépère et aux chansons rassurantes ?


Ce nouvel EP, toujours chez Mexican Summer, donne quelques éléments de réponse. Soothsayer est clairement dans la lignée de Long Slow Dance. La chanson titre ouvre le disque dans un nuage de reverb étiquetée années 80, où la voix de Tim Cohen résonne magnifiquement. Et si des synthés viennent aérer un peu plus la composition, on reconnait la patte Fresh & Onlys grâce à une rythmique atypique et marquée. Ensuite "God of Suez" susurre un riff jangly à tomber par terre, prolongeant la longue liste des grands morceaux écrits par le groupe. Le reste de Soothsayer est malheureusement bien en dessous des attentes. "Glass Bottom Boat" sonne vaguement comme du Gun Club de la fin des années 80, mais au moment où la chanson devrait décoller (ce que sait très bien faire le groupe d’habitude), seules des trompettes mollassonnes viennent étirer le tout. "Deluge of War" souffre d’un mal encore plus grave, celui de ces titres à la production gonflée qui sonnent fatalement creux. En ce sens elle se rapproche de la vacuité romantique exposée par Wymond Miles sur son nouvel album Cut Yourself Free. "Forest Down Annie" ne fait guère mieux avec ses six minutes de pop étrange mais ronronnante, non sans rappeler Magic Trick, la magie en moins. Enfin, "Drugs" sauve un peu la mise, sans être pour autant mémorable.

Les Fresh & Onlys sont donc à un carrefour important de leur carrière : toujours à l’aise pour composer des chansons sublimes, ils sont aussi capables de s’enfoncer tête baissée dans une pop maniérée sans grande inspiration. Et, pour la première fois, des doutes s’installent en vue du prochain album. En attendant, Magic Trick semblerait être de retour et ça c’est une excellente nouvelle.
Punching Joe