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jeudi 31 janvier 2013

The Great Unwashed-Clean Out Of Our Minds


L’année 2012 a gâté les amoureux de la galaxie Kilgour puisque ont été réédités Oddities de the Clean, le premier solo de David Kilgour, Here Come The Cars, et Clean Out Of Our Minds des Great Unwashed. Initialement sorti en 1983 sur Flyning Nun, ce dernier est le seul LP de the Great Unwashed, groupe que Hamish et David Kilgour ont formé après la première séparation de the Clean. Il a donc fallu attendre plus de trente ans pour qu’un label, en l’occurrence les américains Exiled, s’intéresse au sort de l’œuvre la plus intime et la plus étrange du duo.
"Obscurity Blues"

L’histoire des Great Unwashed débute par un déménagement, celui de Hamish quittant Dunedin, la ville d’origine de the Clean, pour s’installer seul à Christchurch avec son enregistreur quatre-pistes et quelques chansons en tête. Il est vite rejoint par son frère David et à deux, ils vont mettre en boîte ce qui deviendra Clean Out Of Our Minds.

Là où the Clean bâtissait les fondations de trente ans d’indie-rock à venir, la démarche des Great Unwashed s’assimile plus à une déconstruction. Insaisissables, les chansons se présentent sous forme de post-it pop, d’apparitions éphémères, d’idées musicales géniales, passés à la moulinette d’une production lo-fi faite maison. "Meanwhile", "Yesterday was", "Hold onto the rail", surgissent ainsi de nulle part et disparaissent aussitôt entre deux soupirs et des crépitements de cordes. Clean Out Of Our Minds est un pur disque de bedroom pop, aussi autiste et impénétrable que lumineux et fulgurant. Toujours hantés par le Velvet  Underground ("Quickstep") les frères Kilgour invitent également Syd Barrett pour quelques moments d’angoisse musicale obsédants ("Obscurity Blues"). Et comme lui, ils ont cette capacité à insinuer au milieu du désordre des moments de grâce suspendue où règne la perfection ("What you should be now", "Toadstool blues"). Au final, ce qui résume le mieux cette collection de chansons égratignées, ce sont sûrement ces paroles répétitives déclamées par Hamish : "It’s a day for staying inside".

Toadstool Blues- The Great Unwashed

Par la suite Great Unwashed publiera un double single qui, marqué par le retour de Peter Gutteridge (membre originel de the Clean) et l’arrivée Ross Humphries à la basse, sonnera plus clean. En 1984 le groupe se sépare, les deux frères s’impliquent dans de nouveaux projets, et laissent derrière eux ce disque qui trente ans plus tard bouleverse toujours.
Punching Joe

vendredi 25 janvier 2013

Bikini Gorge-Stranded



Découverts dans l’ambiance enfumée par les effluves de frites fraîches de l’Armony à Montreuil (le meilleur rade d’Ile de France), les Rennais de Bikini Gorge viennent de sortir un premier 45 tours chez les excellents Nantais de Kizmiaz Records.


A l’intérieur de ce duo guitare/batterie on note la présence de Charles, la moitié des fêlés Combomatix. Sans surprise, on retrouve donc cette même envie d’une musique primaire et corrosive, plus guidée par le rythme des pulsations sanguines que par les inflexions de l’esprit. Leur concert à l’Armony était d’ailleurs une belle démonstration de radicalité garage, éloignée de toute pose.

Stranded est un excellent EP qui confirme les impressions live puisque le groupe ne perd pas son côté instinctif et on ne peut s’empêcher de rapprocher leur garage rêche de celui des Gories de Mick Collins.
Punching Joe

jeudi 10 janvier 2013

Moondawg Jones-The Ascension of

Caverne d’Ali Baba ou boîte de Pandore, le web demeure un espace de diffusion complexe pour la musique. Là où les groupes fourmillent, combien de trucs sympas pour une vraie claque sonique qui nous accompagnera pendant des années ? Loin de moi pourtant l’idée de jouer au grincheux qui n’a pour raison de vivre que les "groupes qui comptent", car je ne cracherai jamais sur "un bon petit groupe", aussi éphémère soit-il. En fait ce qui m’interroge le plus dans la profusion de nouvelles formations c’est leur capacité à étonner. Comme moi, ils font partie de cette génération internet ayant acquis une culture musicale en farfouillant dans ces immenses archives de la musique, tout d’un coup disponibles à portée de clic. Rien de plus facile désormais, avec une petite étincelle de passion, que de devenir un érudit, un esthète en herbe. Le problème est que quand j’écoute tous ces groupes à la culture musicale de plus en plus pointue, justement, je n’entends que celle-ci. Un bien pour un mal en quelque sorte car, si la musique s’est toujours construite sur son passé, j’ai l’impression qu'à l'heure actuelle, plus que jamais, elle croule sous les références. Or, j’attends souvent autre chose de la musique qu’un étalage de ces dernières, aussi flatteuses et brillamment exécutées soient-elles. De là à dire que certains musiciens d’aujourd’hui seraient trop cultivés pour émouvoir…peut-être. En tout cas je comprends mieux pourquoi j’aime tant des Tim Cohen, Growlers ou autres Eddy Current Suppression Ring, qui transcendent selon moi toute filiation. Et c’est pourquoi également je suis assez fasciné par Moondawg Jones, dont la musique sulfureuse et  intrigante titille autre chose que ma, certes modeste, banque de données.

Le clip de "Duncing"

Il est pourtant difficile d’arrivée jusqu’à lui puisque Moondawg Jones reste tranquillement tapi dans les abysses du web. Une page bandcamp sans trop d’informations, une seule vidéo sur youtube (voir ci-dessus), un tumblr et une  petite poignée de « likes » sur facebook, c’est presque un fantôme. En creusant un peu, on apprend que Moondawg Jones est le projet de Joseph Still, apparemment vendeur de sandwichs à Springfield (Missouri) et membre de Ghost Dance et Chris Gnarly. De plus, il n’a aucune sortie physique pour l’instant mais sa page bandcamp (où tout est gratuit) est heureusement bien remplie. On y trouve notamment The Ascension Of, un enregistrement de onze titres qu’il a mis en ligne courant novembre 2012.

Sur la forme, le disque est dans l’air du temps, et de prime abord Moondawg Jones ne fait que du garage-punk-noise ultra lo-fi. Mais c’est dans l’exécution que quelque chose se passe. Je ne sais pas ce qu’il avait à expier mais il met ses tripes sur la bande avec une sincérité saisissante. Dès "Winchusay" l’ambiance est pesante et une guitare écorchée fait face aux cris plaintifs d’un refrain terrifiant. The Ascension Of touche ainsi à  une intimité rare, Moondawg Jones nous invitant dans sa chambre lugubre où des fantômes tourmentés interfèrent avec sa musique possédée. Des chansons hantées donc, pour un disque qui atteint parfois des sommets d’angoisse, le genre de choses qu’on avait plus entendues depuis les Warlocks ou Jay Reatard. Pour rentrer dans le détail, The Ascension Of, bien que dense, est assez varié, entre pop vénéneuse ("Vunder", "Dick Trickle") et punk-noise décadent ("Zimmy", "Winchusay"). Il possède aussi quelques fulgurances mémorables comme "Duncing" et "Majic" qui vous pourchasseront jusque dans vos rêves.


Terré dans son coin, Moondawg Jones cristallise sur ce disque une énergie primaire qui fascine et obsède. Il ne cherche pas le vrai son, le bon goût, et toutes ces notions aux résonances plus religieuses que musicales, qui essayent de nous faire croire en l’existence de chapelles immuables et nous font perdre de vue l’essentiel frisson. C’est pour cela que sa musique dégage une fraîcheur vivifiante et exorcisante qu’il convient de s’imprégner sans modération.
Punching Joe

The Ascension of en écoute intégrale ci-dessous et en téléchargement gratuit sur la page bandcamp de Moondawg Jones, ainsi que tous ses autres enregistrements.

lundi 7 janvier 2013

The Museum of Everything, Exhibition #1

La génialissime expo itinérante du Museum of Everything, exhibition #1, installée en ce moment boulevard Raspail à Paris grâce à Chalet Society, prolonge son séjour jusqu’au 24 février*
Si vous n’avez pas encore tenté l’expérience...diantre courez-y !


Les amateurs d’art brut que nous sommes en sont restés bouche bée : 1000 m2 d’un bâtiment désaffecté dédiés à des œuvres hors normes. Des sculptures, peintures, dessins qui se répartissent dans les pièces, les couloirs, les escaliers, les sanitaires ! Prévoyez un large créneau horaire pour votre visite parce que l’exposition est foisonnante. The Museum of Everything, c’est le projet lancé par James Brett en 2009. Son but, énoncé dès l’entrée de l’exposition, est de mettre en avant l’art ignoré voire involontaire, celui qui n’a pas d’école, pas de marché. 
Impossible de vous décrire en détails toutes les merveilles/bizarreries/ingéniosités que contient le Museum of Everything mais histoire de vous donner un aperçu, revenons succinctement sur cinq artistes qui nous ont particulièrement marqués.

Henry Darger d’abord, bien connu en ces pages et c’est pourquoi nous avons été comblés de tomber, dès la première salle, sur plusieurs de ses vastes planches. Toutes sont extraites de l’épopée des Vivian Girls, ce conte glauque et obsessionnel où se mêlent les brides d’une enfance tourmentée et l’imagerie des livres de jeunesse.

Henry Darger

Le monde parallèle de Calvin et Ruby Black : Possum Trot. Le couple, installé dans le désert, avait bâti un véritable village d’automates chantant. L’expo montre plusieurs de ces poupées, mais aussi un petit film dans lequel on contemple cet univers en action. C’est Calvin Black qui assurait les enregistrements des voix claironnantes de ces personnages étranges…effet lo-fi garanti.

Calvin Black et ses automates




L’égo d’Aleksander Pavlovich Lobanov et son ostentatoire passion pour les armes à feu. Ce russe, sourd et muet, n’a eu de cesse de se mettre en scène à travers des montages photographiques le glorifiant à la manière d’un héros révolutionnaire. L’exposition dévoile aussi plusieurs de ses superbes représentations de scènes de chasse.

Montages photographiques d'Aleksander Pavlovich Lobanov

Les intrigants calendriers catastrophiques de Georges Widener et son système numérique complexe, détaillé sur de grandes nappes en papier, teintes avec du thé.

Georges Widener

Enfin nous avons particulièrement été fascinés par les dessins au crayon du polonais Edmund Monsiel, des chefs d’œuvres minutieux à en perdre la vue.


Edmund Monsiel

Depuis cette exhibition # 1 qui a débuté son voyage à Londres il y a quatre ans, le Museum of Everything a mis en place plusieurs expositions. Pour la dernière en date, exhibition # 5, les organisateurs se sont baladés cet été à travers la Russie, à la recherche d’artistes inconnus et non traditionnels…Une vaste quête débutée à Yekateringbourg…le résultat final sera présenté à Moscou en avril 2013.

The Yekaterinbourg Movie of Everything :



Hanemone


* Note du 10/03/2013 : l'exposition est finalement prolongée jusqu'au 31 mars 2013

vendredi 4 janvier 2013

Woollen Kits-Four Girls


En privilégiant les sorties parcimonieuses et le défrichage de nouveaux talents, le label américain Trouble In Mind est en train de se construire un catalogue de grande qualité. On y trouve notamment Ty Segall, Night Beats, the Resonars, les Limiñanas, Mikal Cronin ou, leur dernier coup de maître, Jacco Gardner. Chacune de leur parution étant désormais guettée, c’est avec une joie non dissimulée que l’on a accueilli l’arrivée dans l’écurie des australiens Woollen Kits, accompagnés de leur deuxième disque, Four Girls. Remarqué à la sortie du premier LP, magnifique ode à l’indie rock débraillé et adolescent, le trio originaire de Melbourne prouve avec cette signature chez un ponte américain du rock alternatif que les espoirs qu'on avait mis sur eux n’étaient pas si irraisonnés.
Four Girls donc, pour quatre filles : "Sandra", "Cheryl", "Susannah" et "Shelley", qui correspondent à quatre chansons du LP. Un angle d’attaque pas si anodin quand on sait que Tom Hardisty, Tom Ridgewell et Leon Appelbee se sont rencontrés par l’intermédiaire de leurs copines. Quoi qu’il en soit, ces quatre titres servent de piliers (deux sur chaque face) à un disque où il est encore question d’indie-rock lascif. Dès "Back yo you" on retrouve ce son limpide à la Woollen Kits : une guitare sans le moindre effet qui, entraînée par le tempo d’une batterie minimale, cavale avec insouciance sur les ondulations boudinées de la basse. Woollen Kits ne se réinvente pas mais affine sa palette et gagne en pertinence (Mikey Young est toujours derrière les manettes). Sur des chansons comme "Sandra", faussement pantouflarde et vraiment obsédante, ou sur la jolie "So Cold", ils laissent se déployer leurs compos et s’affirment. Le reste de Four Girls fait étalage de tout le potentiel tubesque du groupe. "Susannah" est imparable et l’ajout d’un saxophone donne une dimension inattendue à la chanson. De même, "Shelley" est un pur moment de chill à l’australienne tandis que "All Sorts" cristallise toute la coolitude de l’indie-rock à la Beat Happening, Pavement, the Clean & Co.

Le clip de "Shelley"


En apposant le macaron Trouble in Mind sur sa galette Woollen Kits n’a pas tremblé. Moins bancal, le son du groupe continue de s’épaissir et si le charme boiteux du premier LP s’efface quelque peu, la maturité affichée par les Australiens fait plaisir à entendre, tout comme leur capacité à écrire des chansons toujours aussi efficaces et enivrantes.
Punching Joe

-A noter qu'en Australie Four Girls a été édité sur l'excellent label RIP Society, qui avait déjà sorti le premier LP de Woollen Kits ou encore celui de Royal Headache